s le moment, je tenais plus a mon
existence qu'a l'argent: je refusai, car j'avais environ huit cents
francs en or, et plus de cent francs en pieces de cinq francs.
Je restai dans cette baraque le temps d'arranger la peau de mouton sur
ma tete, afin de preserver mes oreilles du froid, mais je ne pus
changer de chemise, le temps pressant. Je sortis en suivant des
musiciens charges d'argent, mais qui, dans cette position, ne
pouvaient aller bien loin.
Les coups de fusil, qui n'avaient pas cesse de se faire entendre,
s'approchaient, de sorte que nous fumes obliges de doubler le pas.
Ceux qui etaient charges d'argent ne pouvant le faire facilement,
diminuaient leur charge en secouant leurs sacs pour en faire tomber
les pieces de cinq francs, en disant qu'il aurait mieux valu les
laisser dans les caissons, d'autant plus qu'il y avait de l'or a
prendre, mais qu'ils n'avaient pas eu le temps d'enfoncer les caisses;
que, cependant, il y en avait beaucoup qui avaient des sacs de doubles
napoleons.
Un peu plus avant, j'en vis encore plusieurs venant de la direction ou
etaient les caissons, portant dans leurs mains des sacs d'argent:
etant sans force et ayant les doigts geles ou engourdis, ils
appelaient ceux qui n'en avaient pas pour leur en donner une partie,
mais il est arrive que celui qui en avait porte une partie du chemin
et qui voulait en donner a d'autres, n'en avait plus; il est meme
certain que, plus avant, des hommes qui n'en avaient pas ont force
ceux qui en portaient a partager avec eux, et que le pauvre diable qui
le portait depuis longtemps se voyait arracher son sac et etait tres
heureux si, en voulant defendre ce qu'il avait, il se relevait, car il
etait toujours le moins fort.
J'avais gagne la route, et, comme je n'avais pas tres froid, je
m'arretai pour me reposer. Je voyais arriver d'autres hommes encore
charges d'argent et qui, par moments, s'arretaient pour tirer des
coups de fusil aux Cosaques. Plus haut, l'arriere-garde etait arretee
pour laisser encore passer quelques hommes, ainsi que plusieurs
traineaux portant des blesses, et sur lesquels on avait mis, autant
que l'on avait pu, des barils d'argent. Cela n'empechait pas que des
hommes, attires par l'appat du butin, etaient encore restes en
arriere, et, le soir, etant au bivouac, l'on m'assura que beaucoup
avaient puise dans les caissons avec les Cosaques.
Je continuai a marcher peniblement. Je vis venir a moi un officier de
la Jeune Garde tr
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