vais dans mon sac. Je priai un des
cavaliers bavarois de m'en donner a boire. Apres en avoir pris un peu,
je me trouvai mieux; alors je me remis sur le canape, ou je
m'assoupis. Je ne sais combien de temps je restai dans cette position,
mais, lorsque je m'eveillai, je trouvai que l'on m'avait enleve mon
pain dans mon sac. Il ne m'en restait plus qu'un morceau, que j'avais
mis dans ma carnassiere, avec ma bouteille d'eau-de-vie qui, fort
heureusement, etait pendue a mon cote. Mon bonnet de rabbin, que je
mettais sous mon schako, avait aussi disparu, ainsi que les cavaliers
bavarois. Ce n'etait pas cela qui m'inquietait le plus, mais bien ma
position, qui etait veritablement critique: independamment de mon
derangement de corps, mon pied droit etait gele et ma plaie s'etait
ouverte. La premiere phalange du doigt du milieu de la main droite
etait prete a tomber; la journee de la veille, avec le froid de
vingt-huit degres, avait tellement envenime mon pied, qu'il me fut
impossible de remettre ma botte. Je me vis force de l'envelopper de
chiffons, apres l'avoir graisse avec la pommade que l'on m'avait
donnee chez le Polonais, et par-dessus tout, une peau de mouton que
j'attachai avec des cordes. J'en fis autant a la main droite.
Je me disposais a sortir, lorsque le juif m'engagea a rester. Il me
dit qu'il y avait du riz a me vendre: je lui en achetai une portion,
pensant que cela me serait bon pour arreter le mal. Je le priai de me
procurer un vase pour le faire cuire; il alla me chercher une petite
bouilloire en cuivre rouge que j'attachai sur mon sac avec ma botte,
ensuite je sortis de la maison apres lui avoir donne dix francs.
Lorsque je fus dans la rue, j'entendis des cris de desespoir:
j'apercus une femme pleurant sur un cadavre a la porte d'une maison.
Cette femme m'arreta pour me dire de la secourir, de lui faire rendre
tout ce qu'on lui avait pris: "Depuis hier, me dit-elle, je suis logee
dans la maison que vous voyez, chez des scelerats de juifs. Mon mari
etait fort malade: pendant la nuit, ils nous ont pris tout ce que nous
avions, et ce matin, je suis sortie pour aller me plaindre. Voyant que
je ne pouvais avoir de secours de personne, je suis revenue pour
soigner mon pauvre mari; mais lorsque je suis arrivee ici, jugez de
mon effroi en voyant, a la porte de la maison, un cadavre! Ces
scelerats avaient profite de ce que j'etais sortie pour l'assassiner!
Monsieur, continua-t-elle, ne m'abandonnez pas! Venez avec
|