avait toujours quelques
coups de schnapps [60] a boire, et des noisettes a croquer.
[Note 60: _Schnapps_, eau-de-vie.]
Il y avait longtemps que je n'avais ri, mais je ne pus m'empecher
d'eclater, au point que le sang ruissela de mes levres.
Picart allait continuer a me conter ces fariboles, quand, tout a coup,
nous entendons le bruit du canon et nous voyons arriver notre hote: il
avait l'air tout effare, ne sachant plus parler. Il finit par nous
dire qu'il venait de voir arriver des soldats bavarois suivis par des
Cosaques, justement par la porte ou nous etions arrives.
Effectivement, la garnison de la ville battait la generale. A ce
bruit, Picart saisit ses armes et, s'avancant pres de moi qui n'etais
pas tres dispose a bouger: "Allons, mon pays! me dit-il en me frappant
sur l'epaule, nous sommes de la Garde imperiale, il faut etre les
premiers a courir aux armes! Ensuite, il ne faut pas souffrir que ces
sauvages viennent manger le pain qu'on nous a promis pour ce soir! Si
vous avez la force, suivez-moi, et allons nous reunir a ceux qui vont
charger cette canaille, chose qui ne sera pas difficile!"
Je suivis Picart. Quelques hommes couraient pour se reunir sans savoir
ou, mais un plus grand nombre se retirait du cote oppose ou l'on
devait se battre, et un plus grand nombre encore, insouciants de tout,
ne faisaient pas attention a ce qui se passait.
Lorsque nous fumes pres de la porte qui conduisait au faubourg, nous
rencontrames un detachement de grenadiers et chasseurs de la Garde.
Picart me quitta pour prendre son rang parmi les siens, et comme, a la
gauche, il s'en trouvait quelques-uns de chez nous et une vingtaine
d'officiers qui avaient des fusils, je les suivis en marchant comme
eux, sans savoir qui nous commandait et ou nous allions. L'on gravit
la montagne sans ordre, chacun comme il put; plusieurs tomberent et
resterent en arriere. Nous etions arrives aux deux tiers de la
montagne, que je m'etonnais d'avoir pu aller jusque-la, lorsque je
tombai a mon tour et, quoique aide par un paysan lithuanien, j'eus
bien de la peine a me relever. Je priai ce brave homme de ne pas
m'abandonner, et, pour l'engager a rester avec moi, je lui donnai
environ la valeur de quatre francs en monnaie russe, et un verre
d'eau-de-vie, dans le petit vase que je possedais encore. Mon paysan
fut tellement content qu'il m'aurait, si j'avais voulu, porte sur son
dos. Nous continuames a marcher dans un endroit parseme d'hommes e
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