eu de cette multitude, je perdis un des hommes qui
m'accompagnaient, mais, presse de trouver un gite pour passer la nuit,
je ne pouvais pas le chercher. Voyant passer un officier badois
faisant partie de la garnison de la ville, je le suivis avec l'autre
homme qui me restait, pensant bien qu'il avait un logement ou nous
pourrions peut-etre nous introduire. Effectivement, il entra chez un
juif ou il etait loge, et, s'apercevant que nous le suivions, nous en
facilita l'entree. Lorsque nous y fumes, nous nous installames pres
d'un poele bien chaud. Il faut avoir ete souffrant et malheureux comme
nous l'etions, pour apprecier le bonheur d'avoir une habitation
chaude, ou l'on puisse passer une bonne nuit.
Dans la meme chambre etait un jeune officier d'etat-major, malade de
la fievre et couche sur un mauvais canape. Il me conta qu'il etait
malade depuis Orcha, mais que, ne pouvant aller plus loin, il allait
probablement finir sa carriere, car il serait pris par les Russes: "Et
Dieu sait, continua-t-il, ce qu'il en adviendra! Pauvre mere, que
dira-t-elle lorsqu'elle le saura?"
L'officier badois, qui etait present et qui parlait le francais,
chercha a le consoler en lui disant qu'il lui procurerait un cheval
pour son traineau, puisque celui qui l'avait conduit etait mort. A
nous, il nous promit de la soupe et de la viande, mais, pendant la
nuit, il partit avec tous ceux des siens qui etaient la en garnison.
Quant au pauvre officier, la fievre augmenta pendant la nuit, il fut
continuellement dans le delire, et nous, nous n'eumes pas la soupe ni
la viande sur lesquels nous avions tant compte. Nous n'eumes que
quelques oignons et quelques noisettes que le juif nous vendit bien
cher, mais ce n'etait pas trop payer la nuit que nous avions passee a
couvert.
Le 7 au matin, comme nous etions assez bien reposes, nous partimes de
bonne heure et en faisant le moins de bruit possible, afin que le
jeune officier ne put nous entendre, vu l'impossibilite ou nous etions
de lui rendre aucun service. Peu d'hommes etaient sur le chemin.
Lorsque nous eumes fait une lieue, nous nous reposames pres d'une
grange incendiee; au bout d'une demi-heure, nous vimes arriver la
colonne de la Garde imperiale; les debris de notre regiment etaient
la, marchant toujours en ordre autant que possible; je rentrai dans
les rangs. Lorsqu'on fit halte, on me demanda sans interet si, depuis
quatre jours que l'on ne m'avait vu, j'avais trouve des vivres. Sur ma
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