ait apercu, vint me dire que
le regiment venait de traverser le pont et qu'il etait alle se mettre
en bataille en seconde ligne, derriere le corps du marechal Oudinot,
qui se battait sur notre gauche. Comme le canon grondait et que les
boulets arrivaient jusqu'a l'endroit ou j'etais, je me disposai a
rejoindre le regiment, me disant qu'il valait mieux mourir d'un coup
de boulet que de froid ou de faim: j'avancai dans le bois. Chemin
faisant, je rencontrai un caporal de la compagnie qui se trainait avec
peine. Nous arrivames au regiment en nous tenant par le bras, pour
nous soutenir mutuellement. A quelques pas de la compagnie, il y avait
un feu: comme il tremblait beaucoup de la fievre, je le conduisis
aupres. A peine y etions-nous qu'un boulet de quatre atteint mon
pauvre camarade a la poitrine et l'etend raide mort au milieu de nous.
Le boulet n'avait pas traverse, il etait reste dans son corps. Lorsque
je le vis mort, je ne pus m'empecher de dire assez haut: "Pauvre
Marcelin! Tu es bien heureux!" Au meme instant, le bruit courut que le
marechal Oudinot venait d'etre blesse.
En voyant tomber cet homme du regiment, le colonel etait accouru pres
du feu et, voyant que j'etais fort malade, il m'ordonna de retourner
pres de la tete du pont, d'y attendre tous les hommes qui se
trouvaient en arriere et de les reunir pour rejoindre le regiment.
Lorsque j'y arrivai, le plus grand desordre y regnait deja. Les hommes
qui n'avaient pas voulu profiter de la nuit ou d'une partie de la
matinee venaient, depuis qu'ils entendaient le canon, se jeter en
foule sur les bords de la Berezina, afin de traverser les ponts.
J'y etais arrive, lorsqu'un caporal de la compagnie, nomme Gros-Jean,
qui etait de Paris et dont je connaissais la famille, vint a moi, tout
en pleurant, me demander si je n'avais pas vu son frere. Je lui
repondis que non. Alors il me conta que, depuis la bataille de
Krasnoe, il ne l'avait pas quitte, a cause qu'il etait malade de la
fievre, mais que, ce matin, au moment de passer le pont, par une
fatalite dont il ne pouvait se rendre compte, il en avait ete separe;
que, le croyant en avant, il avait ete de tous cotes pour le
retrouver, le demandant a ses camarades; que, ne le trouvant pas a la
position ou etait le regiment, il allait repasser le pont, et qu'il
fallait qu'il le retrouve ou qu'il perisse.
Voulant le detourner d'une resolution aussi funeste, je l'engage a
rester pres de moi a la tete du pont ou, probab
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