si belle, si
nombreuse, aujourd'hui miserable et reduite a si peu de monde.
Le 2e corps d'armee, commande par le marechal Oudinot, ainsi que le
9e, commande par le marechal Victor, duc de Bellune, et les Polonais
par le general Dombrowski, n'avaient pas ete a Moscou; ils etaient
restes en Lithuanie, dans des cantonnements, mais, depuis quelques
jours, ils se battaient contre les Russes, les avaient repousses et
leur avaient pris une quantite considerable de bagages qui nous
embarrassaient; mais, en se retirant, les Russes avaient brule le
pont, le seul qui existait sur la Berezina, ce qui arretait notre
marche et nous tenait bloques au milieu d'un marais, entre deux
forets, tous reunis en masse, Francais, Italiens, Espagnols,
Portugais, Croates, Allemands, Polonais, Romains, Napolitains, et meme
des Prussiens.
Les cantiniers, avec leurs femmes et leurs enfants au desespoir,
pleuraient. On a remarque que les hommes avaient plus souffert que les
femmes, moralement et physiquement. J'ai vu les femmes supporter avec
un courage admirable toutes les peines et les privations auxquelles
elles etaient assujetties. Il y en a meme qui faisaient honte a
certains hommes, qui ne savaient pas supporter l'adversite avec
courage et resignation. Bien peu de ces femmes succomberent, moins
celles qui tomberent dans la Berezina en passant le pont, ou qui
furent etouffees.
A l'entree de la nuit, nous fumes assez tranquilles. Chacun s'etait
retire dans ses bivacs et, chose etonnante, plus personne ne se
presentait pour passer le pont; pendant toute la nuit du 27 au 28, il
fut libre. Comme nous avions du bon feu, je m'endormis, mais, au
milieu de la nuit, la fievre me reprit, et j'etais encore dans le
delire, lorsqu'un coup de canon me reveilla. Il faisait jour. Il
pouvait etre 7 heures. Je me levai, je pris mes armes, et, sans rien
dire ni prevenir personne, je me presentai a la tete du pont et je
traversai absolument seul. Je n'y rencontrai personne que des
pontonniers qui bivaquaient sur les deux rives pour y remedier
lorsqu'il y arrivait quelque accident.
Lorsque je fus de l'autre cote, j'apercus, sur ma droite, une grande
baraque en planches. C'etait la ou l'Empereur avait couche et ou il
etait encore. Comme j'avais froid a cause de ma fievre, je me
presentai a un feu ou etaient plusieurs officiers occupes a regarder
sur une carte, mais je fus si mal recu, que je dus me retirer. Pendant
ce temps; un soldat du regiment, qui m'av
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