de marmite
pour la faire cuire et faire du bouillon qui nous aurait soutenus un
peu. Nous fumes encore reduits, comme les jours precedents, a manger
un morceau de viande rotie, mais nous couchames dans des maisons ou
nous pumes faire du feu. Pendant la nuit, je fus oblige de sortir
plusieurs fois de la maison ou j'etais couche, car la chaleur, a
laquelle je n'etais plus habitue, m'incommodait.
Le lendemain, nous partimes de grand matin. C'etait le 2 decembre; la
fievre me reprit, j'eprouvais de grandes lassitudes dans les cuisses,
de sorte qu'au bout d'une heure de marche, je me trouvais encore en
arriere du regiment. Quelque temps apres, je traversai un petit
village ou se trouvaient beaucoup de traineurs, mais je le passai sans
m'arreter. Un peu plus loin, j'en rencontrai plusieurs milliers,
arretes autour de quelques maisons, occupes a rotir du cheval. Le
general Maison passa, s'arreta un instant pour engager tout le monde a
suivre, si l'on ne voulait pas etre pris par la cavalerie russe, qui
n'etait pas loin; mais la grande partie de ces hommes demoralises et
affames n'ecoutait plus rien. Ils ne voulaient quitter leurs feux
qu'apres avoir mange, et beaucoup se preparaient a defendre, contre
l'ennemi, le morceau de cheval qu'ils faisaient cuire. Je continuai a
marcher. Plus avant, je rencontrai plusieurs soldats de la compagnie,
que je priai de ne pas me quitter. Ils me le promirent, en disant
qu'ils me suivraient partout, que tout leur etait indifferent; ils ne
tinrent que trop leur parole.
Le soir, nous arretames pres d'un bois pour y passer la nuit. Deja
beaucoup d'hommes de differents corps y etaient arretes, surtout de
l'armee d'Italie, et quelques grenadiers du 1er regiment de la Garde,
a qui je demandai des nouvelles de Picart. On me repondit qu'on
l'avait vu la veille, mais que l'on pensait qu'il avait le cerveau
attaque, qu'il avait l'air d'un fou.
Depuis le moment ou, pres du pont de la Berezina, le pauvre Gros-Jean
m'avait laisse son sac, je n'avais pas encore pense de l'ouvrir, afin
de voir ce qu'il pouvait contenir. Comme j'etais certain qu'il ne
reviendrait plus, au moins de si tot, j'en fis la visite en presence
des deux hommes de la compagnie qui etaient avec moi et qui,
precisement, etaient de son escouade. Je ne trouvai rien
d'extraordinaire: seulement un mouchoir renfermant un peu de gruau
melange avec du seigle. Un des hommes avait le couvercle d'une
marmite; nous le fimes cuire. Je trouvai
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