arbre, et, regardant de tous cotes comme s'il cherchait
quelque chose, tirer son sabre du fourreau. A peine avait-il fait ce
mouvement, que le pauvre juif, croyant que c'etait pour le tuer, se
mit a jeter des cris epouvantables et a abandonner le cheval pour
fuir. Mais, les forces lui manquant, il tomba a genoux d'un air
suppliant, pour implorer la misericorde de Dieu et de celui qui ne lui
voulait pas de mal, car Picart n'avait tire son sabre que pour couper
un bouleau gros comme mon bras et le consulter sur la direction que
nous avions a prendre. Il coupa l'arbre par le milieu et, ayant
examine la partie qui restait attachee au sol, me dit d'un grand
sang-froid: "Voila la direction que nous devons prendre! L'ecorce de
l'arbre, de ce cote, qui est celui du nord, est un peu rousse et
gatee, tandis que, de l'autre cote, qui est celui du midi, elle est
blanche et bien conservee. Marchons au midi!"
Nous n'avions plus de temps a perdre, car notre plus grande crainte
etait que la nuit nous surprit. Nous cherchames a nous frayer un
chemin, ayant toujours soin de ne pas perdre de vue la direction de
notre point de depart.
Dans ce moment, le juif, qui marchait derriere nous, jeta un cri. Nous
le vimes etendu de son long. Il etait tombe en tirant le cheval qu'il
voulait faire passer entre deux arbres trop serres l'un contre
l'autre, de maniere que le pauvre _cognia_ ne savait plus ni avancer,
ni reculer. Nous fumes obliges de debarrasser et l'homme et le cheval,
dont la charge ainsi que le harnachement etaient tombes sur les jambes
de derriere.
J'enrageais aussi de voir que nous perdions un temps aussi precieux;
j'aurais volontiers abandonne le cheval, et il aurait fallu en venir
la si, au bout d'une demi-heure d'efforts, nous ne fussions tombes
dans un chemin assez large, que le juif reconnut pour etre la
continuation de celui dont nous avions perdu la direction; pour
preuve, il nous montra plusieurs gros arbres qu'il reconnaissait,
parce qu'ils contenaient des ruches qu'il nous fit voir et qui,
malheureusement, etaient perchees trop haut pour notre bec.[47]
[Note 47: En Pologne, en Lithuanie, et dans une partie de la
Russie, on choisit, dans les forets, les arbres les plus gros et a une
hauteur de dix a douze pieds, l'on creuse dans le corps de l'arbre un
trou de la profondeur d'un pied, sur autant de largeur et trois de
hauteur, et c'est la que les mouches deposent leur miel, que souvent
les ours, qui sont tres fria
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