t le quartier imperial. Il
me repondit qu'il etait encore en arriere, mais que le mouvement
allait commencer et que nous allions, dans un instant, voir la tete de
la colonne. Il nous dit aussi de prendre garde a notre cheval; que
l'ordre de l'Empereur etait de s'emparer de tous ceux que l'on
trouverait, pour servir a l'artillerie et a la conduite des blesses.
En attendant la colonne, nous le cachames a l'entree du bois.
[Note 48: Ce sont les pontonniers et les sapeurs du genie qui nous
sauverent, car c'est a eux a qui nous devons la construction des ponts
sur lesquels nous passames la Berezina. (_Note de l'auteur_.)]
Je ne saurais depeindre toutes les peines, les miseres et les scenes
de desolation que j'ai vues et auxquelles j'ai pris part, ainsi que
celles que j'etais condamne a voir et a endurer encore, et qui m'ont
laisse d'ineffacables et terribles souvenirs.
C'etait le 25 novembre: il pouvait etre sept heures du matin; il ne
faisait pas encore grand jour. J'etais dans mes reflexions, lorsque
j'apercus la tete de la colonne. Je la fis remarquer a Picart. Les
premiers que nous vimes paraitre etaient des generaux, dont
quelques-uns etaient encore a cheval, mais la plus grande partie a
pied, ainsi que beaucoup d'autres officiers superieurs, debris de
l'Escadron et du Bataillon sacres, que l'on avait formes le 22, et
qui, au bout de trois jours, n'existaient pour ainsi dire plus. Ceux
qui etaient a pied se trainaient peniblement, ayant, presque tous, les
pieds geles et enveloppes de chiffons ou de morceaux de peaux de
mouton, et mourant de faim. L'on voyait, apres, quelques debris de la
cavalerie de la Garde. L'Empereur venait ensuite, a pied et un baton a
la main. Il etait enveloppe d'une grande capote doublee de fourrure,
ayant sur la tete un bonnet de velours couleur amarante, avec un tour
de peau de renard noir. A sa droite, marchait egalement a pied le roi
Murat; a sa gauche, le prince Eugene, vice-roi d'Italie; ensuite les
marechaux Berthier, prince de Neufchatel; Ney, Mortier, Lefebvre,
ainsi que d'autres marechaux et generaux dont les corps etaient en
partie aneantis.
A peine l'Empereur nous avait-il depasses, qu'il monta a cheval, ainsi
qu'une partie de ceux qui l'accompagnaient; les trois quarts des
generaux n'avaient plus de chevaux. Tout cela etait suivi de sept a
huit cents officiers, sous-officiers, marchant en ordre et portant,
dans le plus grand silence, les aigles des regiments auxquels ils
av
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