, car ils
faisaient partie de la milice; on les faisait marcher en masse contre
nous, a coups de knout, et partout, dans les villages, il y avait des
Cosaques pour les faire partir. Nous poursuivimes notre route; lorsque
nous les eumes perdus de vue, je demandai a Picart s'il avait bien
compris ce que les paysans avaient dit, a propos de Minsk qui etait un
de nos grands entrepots de la Lithuanie, ou nous avions des magasins
de vivres et ou, disait-on, une grande partie de l'armee devait se
retirer. Il me repondit qu'il avait tres bien compris, et que, si cela
etait vrai, c'est que _papa beau-pere_ nous avait joue un mauvais
tour. Comme je ne le comprenais pas bien, il me repeta que, si c'etait
comme cela, c'est que les Autrichiens nous avaient trahis. Je ne
pouvais comprendre ce qu'il pouvait y avoir de commun entre les
Autrichiens et Minsk[40]. Il allait, disait-il, m'expliquer la guerre,
lorsque, tout a coup, il ralentit, le pas du cheval en me disant:
"Voyez, si l'on ne dirait pas la, devant nous, une colonne de
troupes?" J'apercus quelque chose de noir, mais qui disparut tout a
coup. Un instant apres, la tete de cette colonne reparut comme sortant
d'un fond.
[Note 40: Picart savait bien ce qu'il disait en parlant de la
trahison des Autrichiens, car j'ai pu savoir, depuis, qu'un traite
d'alliance avait ete fait contre nous. (_Note de l'auteur._).]
Nous pumes bien voir que c'etaient des Russes. Plusieurs cavaliers se
detacherent et se porterent en avant; nous n'eumes que le temps de
tourner a droite, et nous entrames dans la foret, mais nous n'avions
pas fait quatre pas, que notre cheval s'enfonca dans la neige jusqu'au
poitrail et me renversa. J'entrainai Picart dans ma chute et a plus de
six pieds de profondeur, d'ou nous eumes beaucoup de peine a nous
retirer. Pendant ce temps, le coquin de cheval s'etait sauve, mais il
nous avait fraye un passage dont nous profitames pour nous enfoncer
dans la foret. Lorsque nous eumes fait vingt pas, les arbres etant
trop serres, nous ne pumes aller plus en avant. Il nous fallut, malgre
nous, retourner en arriere. Il n'y avait pas a choisir; le cheval
aussi avait ete de ce cote, car nous le retrouvames rongeant un arbre
auquel nous l'attachames. Dans la crainte qu'il nous trahit, nous nous
en eloignames le plus possible, et trouvant un buisson assez epais
pour nous cacher de maniere a tout voir sans etre vus, nous nous mimes
en position de nous defendre, si les circonstances
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