ions recommencer, quand, tout a coup, vers le milieu du lac,
nous les voyons s'enfoncer et disparaitre, ainsi que deux Cosaques.
Les malheureux avaient passe a la place ou, le matin, les Russes
avaient casse la glace pour faire abreuver leurs chevaux et qui,
recouverte d'une autre glace non encore assez forte pour supporter le
poids de plusieurs hommes, avait ete recouverte, a son tour, par la
neige.
Un troisieme Cosaque, voyant disparaitre les premiers, voulut retenir
son cheval et le fit cabrer de maniere qu'il etait presque droit. Il
glissa des pieds de derriere et se renversa de cote avec son cavalier;
il voulut se relever, glissa encore, mais, cette fois, pour
disparaitre avec celui qu'il avait renverse.
Nous fumes saisis d'horreur, et ceux qui nous poursuivaient,
epouvantes, et sans chercher a secourir leurs camarades, restaient
immobiles sur le lac. Les deux autres qui suivaient de pres s'etaient
arretes sur le bord du gouffre et ensuite sauves sur differents
points. De l'endroit ou nous etions, nous entendimes quelques cris
dechirants sortir du gouffre. Nous apercumes plusieurs fois la tete
des chevaux, ensuite l'eau qui bouillonnait et jaillissait sur la
glace.
Un instant apres, nous vimes paraitre dix autres cavaliers, ayant a
leur tete un chef. Plusieurs s'approchent de l'endroit sinistre, y
enfoncent le bois de leurs lances et semblent ne pas y trouver le
fond. Tout a coup, nous les voyons se retirer precipitamment,
s'arreter en regardant de notre cote, ensuite partir au galop. Nous
les perdons de vue, et tout rentre dans le calme.
Nous nous retrouvions au milieu de ce desert, appuyes sur nos armes et
regardant sur le lac les corps de nos malheureux soldats. A vingt pas
a gauche, se trouvaient trois Cosaques qui paraissaient aussi ne plus
donner aucun signe de vie, et celui que Picart avait atteint a la
tete.
Nous etions pres du feu de notre bivac ou nous venions de nous
retirer. Il se fit entre nous un silence de quelques minutes, que
Picart finit par rompre en me disant: "J'ai une envie du diable de
fumer. Une idee m'est venue de passer une revue sur ceux qui sont
morts; j'aurai bien du malheur si je ne trouve pas de tabac!" Je lui
observai que sa demarche etait imprudente, que nous ne savions pas ou
etaient passes ceux qui se battaient contre les quatre premiers
fantassins. Au meme instant, nous apercumes une masse de cavaliers et
de paysans portant de longues perches, venant dans la direction
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