t vous, que
voyez-vous?--De la fumee, un bivac!" Effectivement, je vis ce qu'il me
disait.
Une idee me vint. Je dis a Picart: "Si, par hasard, le feu que nous
voyons etait l'emplacement du bivac de la cavalerie russe que nous
avons vue ce matin?--Je pense comme vous, me dit-il, il nous faut agir
comme s'ils etaient la. Ce matin, avant notre depart, nous avons
commis une grande faute en ne chargeant pas nos armes, lorsque nous
etions pres du feu. A present que nous avons les mains engourdies et
que les canons de nos fusils s'ont remplis de neige, nous ne saurions
le faire, mais avancons toujours avec prudence!"
La neige ne tombait plus que faiblement, et le ciel etait devenu plus
clair. Tout a coup, j'apercus, sur le bord du lac et derriere un
buisson, un cheval qui rongeait l'ecorce d'un bouleau. L'ayant fait
remarquer a Picart, il pensa encore que ce pouvait etre la que la
cavalerie russe avait passe la nuit, et, comme le cheval n'avait pas
de harnachement, c'etait, disait-il, probablement, un cheval blesse
que l'on avait abandonne.
A peine avions-nous fait cette reflexion, que nous vimes le cheval
lever la tete, se mettre a hennir, ensuite venir tranquillement droit
sur nous, s'arreter contre Picart et le sentir comme s'il le
reconnaissait. Nous n'osions, dans cette situation, ni bouger, ni
parler. Le diable de cheval restait toujours contre nous, la tete
haute contre le bonnet a poil de Picart qui n'osait respirer, dans la
crainte que ceux a qui il appartenait ne viennent le chercher. Mais,
ayant remarque qu'il avait un coup de fusil dans le poitrail, nous
n'eumes plus de doute que le cheval etait abandonne, ainsi que le
bivac. En un instant, nous arrivons dans un espace assez grand formant
un demi-cercle, couvert d'abris et de plusieurs feux, de sept chevaux
tues et en partie manges. Cela nous fit supposer que plus de deux
cents hommes y avaient passe la nuit: "Ce sont eux! dit Picart, en
mettant les mains dans les cendres pour les rechauffer. Il n'y a plus
de doute, car voila un cheval jaune que je reconnais. Il etait de la
fete, et m'a servi de point de mire. Je crois ne pas me tromper en
vous disant que j'ai envoye a son maitre une commission pour l'autre
monde." Apres avoir regarde si rien ne pouvait nous inquieter, nous
nous occupames de ravitailler un bon feu place devant un abri fort
epais, qui paraissait avoir ete celui du chef de la troupe, car il
avait ete soigne, en comparaison des autres.
La ne
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