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arrivant a Paris, au mois de mars 1813.
Enfin, ne pouvant arracher un lambeau de chair que j'aurais manger
crue, je me decidai a passer la nuit dans la voiture qui etait
couverte, et dans laquelle je n'avais pas encore regarde, etant
certain qu'il n'y avait rien a manger: je m'avancai pres de la femme
morte afin d'essayer de lui oter la capote de peau de mouton pour m'en
couvrir, mais il fut impossible de lui faire faire un mouvement.
Cependant je n'avais pas perdu tout espoir. Elle avait le corps sangle
avec une courroie de sac ou une bretelle de fusil, et, pour la lui
oter, il fallait que je lui fasse faire un demi-tour, parce que la
boucle qui la serrait etait de l'autre cote. Pour cela, je pris mon
fusil a deux mains, et m'en servant comme d'un levier, sous le corps.
Mais a peine avais-je commence, qu'un cri dechirant sortit de la
voiture. Je me retourne; un second cri se fait entendre: "Marie!
criait-on, Marie, a boire, je me meurs!" Je restai interdit. Une
minute apres, la meme voix repeta: "Ah! mon Dieu!" Aussitot il me
vient dans l'idee que ce sont de malheureux blesses que l'on a
abandonnes sans qu'ils le sachent. Ce n'etait que trop vrai.
Ayant monte sur la carcasse du cheval qui etait dans les brancards, je
m'appuyai sur le bord de la voiture, et, ayant demande ce que l'on
voulait, l'on me repondit avec bien de la peine: "A boire!"
Tout a coup, pensant a la glace de sang que j'avais dans ma
carnassiere, je voulus descendre pour en prendre, mais la lune, qui
m'eclairait depuis assez de temps, disparait tout a coup sous un gros
nuage noir, et, pensant poser le pied sur quelque chose de solide, je
le mets a cote et je tombe sur trois cadavres qui se trouvaient l'un
contre l'autre. J'avais les jambes plus hautes que la tete, les
caisses placees sur le ventre d'un mort et la figure sur une de ses
mains. J'etais habitue a coucher, depuis un mois, au milieu de
compagnie semblable, mais je ne sais si c'est parce que j'etais seul,
quelque chose de plus terrible que la peur s'empara de moi. Il me
semblait que j'avais le cauchemar; je restai quelque temps sans
parole; j'etais comme un insense, et je me mis a crier comme si l'on
me tenait sans vouloir me lacher. Malgre les efforts que je faisais
pour me relever, je ne pouvais en venir a bout. Enfin je veux m'aider
de mes bras, mais je pose, sans le vouloir, ma main droite sur une
figure, et mon pouce entre dans la bouche.
Dans ce moment, la lune repar
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