ne a me croire; mais ce fut bien pire
lorsque je lui fis un detail de la misere et de la situation de
l'armee, de son regiment et de toute la Garde imperiale en general.
Ceux qui liront ce journal seront surpris de ce que Picart ne savait
rien de tout cela: en voici la raison.
VIII
Je fais route avec Picart.--Les Cosaques.--Picart est blesse.--Un
convoi de prisonniers francais.--Halte dans une foret.--Hospitalite
polonaise.--Acces de folie.--Nous rejoignons l'armee.--L'Empereur et
le bataillon sacre.--Passage de la Berezina.
Apres la bataille de Malo-Jaroslawetz, Picart n'avait plus vu le
regiment dont il faisait partie, ayant ete commande de service pour
escorter un convoi compose d'une portion des equipages du quartier
imperial. Depuis ce jour, le detachement qu'il escortait avait
toujours marche en avant de l'armee de deux ou trois journees, de
sorte qu'il n'avait pas eu, a beaucoup pres, autant de misere que
l'armee. N'etant que 400 hommes, ils trouvaient quelquefois des
vivres. Ils avaient aussi les moyens de transport. A Smolensk, ils
avaient pu se procurer du biscuit et de la farine pour plusieurs
jours. A Krasnoe, ils avaient eu le hasard d'arriver et de repartir
vingt-quatre heures avant que les Russes, qui nous couperent la
retraite, fussent arrives, et a Orcha, ils purent encore se procurer
de la farine. Dans un village, il se trouvait toujours assez
d'habitations pour se mettre a l'abri, ne fut-ce que les maisons de
poste etablies de trois lieues en trois lieues, tandis que nous qui
avions commence par marcher plus de 150 000 hommes ensemble, dont il
ne nous restait plus la moitie, nous n'avions, pour toute habitation,
que les forets et les marais, pour nourriture qu'un morceau de cheval,
encore pas autant que l'on aurait voulu, et, pour boisson, de l'eau,
et pas toujours. Enfin, la misere de mon vieux camarade ne commencait
a compter que du moment ou j'etais avec lui.
Picart me dit que l'individu qui se trouvait couche a notre feu, avait
ete blesse, hier, par des lanciers polonais, dans une attaque qui eut
lieu a trois heures apres midi. Voici ce qu'il me conta:
"Plus de 600 Cosaques, et d'autre cavalerie, sont venus pour attaquer
notre convoi, mais ils furent mal recus, car nous etant abrites avec
nos voitures formant un carre autour de nous, sur la route qui est
tres large en cet endroit, nous les laissames avancer assez pres, de
sorte qu'a la premiere decharge, onze resterent morts sur
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