tant de cote tout ce qui pouvait nous tomber
sous la main, pour le remettre ensuite a qui ca appartenait. Mais il
etait deja trop tard, car tout ce qu'il y avait de convenable etait
pris, et les chevaux coupes en vingt morceaux. J'ai pourtant ce
manteau blanc, qui me servira. Ce que je n'ai pu comprendre, c'est que
les deux chasseurs qui etaient avec moi soient partis sans que je m'en
apercusse."
Je dis a Picart que les hommes qui avaient pille le caisson etaient de
la Grande Armee, et que, s'il leur avait demande des nouvelles, ils
auraient pu lui en dire autant et meme plus que moi: "Apres tout, mon
pauvre Picart, ils ont bien fait d'emporter et de profiter de tout ce
qui leur tombait sous la main, car dans un instant les Russes seront
ici.--"Vous avez raison, me dit Picart, aussi je pense qu'il faut
mettre nos armes en etat.--Il faut d'abord que je retrouve mon fusil,
dis-je a Picart, car c'est la premiere fois que nous nous quittons. Il
y a six ans que je le porte, et je le connais si bien, qu'a toute
heure de la nuit, au milieu des faisceaux d'armes, en le touchant, ou
au bruit qu'il fait en tombant, je le reconnais." Comme il n'etait pas
tombe de neige pendant la nuit, j'eus le bonheur de le retrouver. Il
est vrai que Picart me suivait en m'eclairant avec un morceau de bois
resineux.
Apres avoir arrange notre chaussure, chose qu'il fallait soigner, afin
de mieux marcher et de ne pas avoir les pieds geles, nous fimes rotir
un morceau de viande de cheval, dont Picart avait eu soin de faire une
ample provision, et, apres avoir mange et pris pour boisson un peu de
neige a l'eau-de-vie, nous primes encore chacun un morceau de viande
que Picart mit sur son sac, et moi dans ma carnassiere, et, debout
devant notre feu, nous nous chauffames les mains sans rien nous dire,
mais pensant, chacun de notre cote, a ce que nous devions faire.
"Ah! ca, dit le vieux brave, voyons, de quel cote allons-nous _tirer
nos guetres_?--Mais, lui dis-je, j'ai toujours cette infernale musique
dans les oreilles!--Nous nous sommes peut-etre trompes. Cela pourrait
bien etre la diane, ou le reveil des grenadiers a cheval de chez nous!
Vous connaissez bien l'air:
Fillettes, aupres des amoureux,
Tenez bien votre serieux, etc."
J'interrompis Picart en lui disant que, depuis plus de quinze jours,
la diane, ainsi que le reveil du matin, etait morte, que nous n'avions
plus de cavalerie, et qu'avec ce qui restait, l'on avait forme un
esca
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