dron, que l'on appelait l'_escadron sacre_, qu'il etait commande
par le plus ancien marechal de France, que les generaux y etaient
comme capitaines et que les colonels, ainsi que les autres officiers,
servaient comme soldats; qu'il en etait de meme d'un bataillon que
l'on appelait le _bataillon sacre_, enfin que, de 40 000 hommes de
cavalerie, il n'en restait plus 1000.
Et, sans lui donner le temps de me repondre, je lui dis que ce qu'il
avait entendu etait bien le signal de depart de la cavalerie russe, et
que c'etait cela qui l'avait fait sortir du caisson: "Oh! c'est pas
tout a fait ca, mon pays, qui m'a fait decamper, mais bien que, depuis
quelque temps, je voyais vos dispositions a y mettre le feu!"
A peine Picart avait-il prononce le dernier mot, qu'il me saisit par
le bras en me disant: "Silence! Couchez-vous!" Aussitot, je me jette a
terre. Il en fait autant, et, prenant la cuirasse que j'avais
apportee, il en couvre le feu; je regarde et j'apercois la cavalerie
russe defiler au-dessus de nous, dans le plus grand silence. Cela dura
un bon quart d'heure. Aussitot qu'ils furent partis: "Suivez-moi!" me
dit-il, et, nous tenant par le bras, nous nous mimes a marcher dans la
direction d'ou venait la cavalerie.
Apres quelque temps, Picart s'arreta en me disant tout bas:
"Respirons, nous sommes sauves, au moins pour le moment. Nous avons eu
du bonheur, car si l'ours, en parlant du Cosaque blesse, s'etait
apercu que les siens passaient si pres de lui, il n'y a pas a douter
qu'il n'eut beugle comme un taureau, pour se faire entendre, et Dieu
sait se qui serait arrive! A propos, j'ai oublie quelque chose, et
c'est le principal; il faut retourner d'ou nous venons. Il se trouve,
sur le derriere du caisson, une marmite que j'ai oublie de prendre, et
qui vaut mieux, pour nous, que tout ce qu'il y avait dedans!" Comme il
voyait que je n'etais pas trop de son avis: "Allons! marchons! me
dit-il, ou nous sommes exposes a mourir de faim!"
Nous arrivames a notre bivac; nous trouvames notre feu presque eteint,
et le pauvre diable de Cosaque, que nous y avions laisse dans des
souffrances terribles, se roulant dans la neige, ayant la tete presque
dans le feu. Nous ne pouvions rien faire pour le soulager, cependant
nous le mimes sur des schabraques de peaux de moutons, afin qu'il put
mourir plus commodement: "Il n'est pas encore pres de mourir, me dit
Picart! car voyez comme il nous regarde! Ses yeux brillent comme deux
chandel
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