'apercus que
j'etais arrete sur l'emplacement d'un feu qui n'etait pas tout a fait
eteint.
Aussitot, je me couche a terre et, mettant les mains dans les cendres
pour les rechauffer, je parvins a retrouver quelques charbons que je
reunis avec beaucoup de peine et de precaution. Ensuite je me mis a
souffler et j'en fis jaillir quelques etincelles que je recus
precieusement sur la figure et dans les mains. Mais du bois pour
ravitailler mon feu, ou en trouver? Je n'osais l'abandonner, car ce
feu devait me sauver la vie, et, pendant que je me serais eloigne pour
en chercher, il pouvait s'eteindre.
Crainte d'accident, je dechire un morceau de ma chemise qui tombait en
lambeaux, j'en fais une meche et je l'allume. Ensuite, tout en
tatonnant avec les mains autour de moi, je ramasse des petits morceaux
de bois qui, fort heureusement, se trouvent a ma portee, et, avec de
la patience, je parviens, non sans beaucoup de difficulte, a le
rallumer. Bientot la flamme petille, et ramassant tout le bois que je
trouve, au bout d'un instant j'ai un grand feu de maniere a me faire
distinguer tous les objets qui se trouvent a cinq ou six pas de moi.
Je vis d'abord, sur le dessus du caisson, ecrit en grandes lettres:
GARDE IMPERIALE, ETAT-MAJOR. L'inscription etait surmontee de l'aigle.
Ensuite, autour et aussi loin que je pouvais voir, le terrain etait
couvert de casques, de shakos, de sabres, de cuirasses, de coffres
enfonces, de portemanteaux vides, d'habillements epars et dechires, de
selles, de schabraques de luxe et d'une infinite d'autres choses.
Mais, a peine avais-je jete un coup d'oeil sur tout ce qui
m'environnait, l'idee me vint que l'endroit ou je me trouvais pourrait
bien etre a portee du bivac d'un parti de Cosaques et, aussitot, voila
que la peur me prend et que je n'ose plus entretenir mon feu. Il n'y a
pas de doute, dis-je en moi-meme, que cet endroit est occupe par des
Russes, car si c'etaient des Francais, l'on y verrait des grands feux;
nos soldats, a defaut de nourriture, se chauffaient tres bien
lorsqu'ils le pouvaient, et la, justement, le bois ne manque pas! Je
ne concevais pas qu'un endroit comme celui ou je me trouvais, a l'abri
du vent, n'eut pas ete choisi pour y passer la nuit. Enfin je ne
savais si je devais rester ou partir.
Pendant que je faisais ces reflexions, mon feu avait considerablement
diminue, et je n'osais y remettre du bois. Mais l'envie de me
rechauffer et de me reposer quelques heures l'em
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