ositions, sans cependant s'eloigner, et nous restames sur le champ de
bataille pendant toute la journee et la nuit du 16 au 17, pendant
lesquelles nous fumes toujours en mouvement. A chaque instant, pour
nous tenir en haleine, l'on nous faisait prendre les armes; nous
etions toujours sur le qui-vive, sans pouvoir nous reposer, ni meme
nous chauffer.
A la suite d'une de ces prises d'armes, et au moment ou tous les
sous-officiers, nous etions reunis, causant de nos miseres et du
combat de la nuit precedente, l'adjudant-major Delaitre, l'homme le
plus mechant et le plus cruel que j'aie jamais connu, faisant le mal
pour le plaisir de le faire, vint se meler a notre conversation et,
chose etonnante, commenca par s'apitoyer sur la fin tragique de
Beloque dont nous deplorions la perte: "Pauvre Beloque! disait-il, je
regrette beaucoup de lui avoir fait de la peine!" Une voix, je n'ai
jamais pu savoir qui, vint me dire a l'oreille, assez haut pour etre
entendu de plusieurs: "Il va bientot mourir!" Il semblait regretter le
mal qu'il avait fait a tous ceux qui etaient sous ses ordres et
principalement a nous, les sous-officiers; il n'y en avait pas un dans
le regiment qui n'eut voulu le voir enlever d'un coup de boulet, et il
n'avait pas d'autre nom que Pierre le Cruel.
Le 17 au matin, a peine s'il faisait jour, que nous primes les armes
et, apres nous etre formes en colonnes serrees par division, nous nous
mimes en marche pour aller prendre position sur le bord de la route,
du cote oppose au champ de bataille que nous venions de quitter.
En arrivant, nous apercumes une partie de l'armee russe devant nous,
sur une eminence, et adossee a un bois. Aussitot, nous nous deployames
en ligne pour leur faire face. Nous avions notre gauche appuyee contre
un ravin qui traversait la route et a qui nous tournions le dos; ce
chemin, qui etait creux et domine par les cotes, pouvait abriter et
garantir du feu de l'ennemi ceux qui y etaient. Notre droite etait
formee par les fusiliers-chasseurs, ayant la tete de leur regiment a
une portee de fusil de la ville. Devant nous, a deux cent cinquante
pas, etait un regiment de la Jeune Garde, premier voltigeur, en
colonne serree par division, commande par le colonel Luron. Plus loin
en avant, et sur notre droite, etaient les vieux grenadiers et
chasseurs, dans le meme ordre, c'est-a-dire, ainsi que le reste de la
Garde imperiale, cavalerie et artillerie, qui n'avaient pas pris part
au combat de la
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