brigands avec qui elle avait
ete obligee de rester pendant dix jours, avaient ete pris a Krasnoe,
avant notre arrivee; qu'etant dans une maison ou ils venaient de lui
donner des coups parce qu'elle n'avait pas voulu blanchir leurs
chemises, elle etait sortie afin de chercher de l'eau pour laver; elle
avait apercu les Russes qui venaient de son cote, et, sans les
prevenir, elle s'etait sauvee; que, pour eux, ils s'etaient battus en
desesperes, pensant sauver l'argent qu'ils avaient, car, me dit-elle,
ils en avaient beaucoup, surtout de l'or et des bijoux, mais qu'ils
avaient fini par etre en partie tues ou blesses et devalises; que,
tant qu'a elle, elle n'avait ete sauvee que lorsque la Garde imperiale
etait arrivee.
Elle me dit aussi qu'a Smolensk, et pendant une partie de la nuit
apres que je les eus quittes, ils firent une sortie et revinrent avec
des portemanteaux, mais que, dans la crainte d'etre vendus par moi,
ils avaient change de retraite: il aurait ete impossible de les y
trouver; c'etait le Badois qui la leur avait enseignee. Ils y
resterent encore deux jours, mais, ne sachant que faire de tout ce
qu'ils avaient vole, le tambour et le Badois avaient trouve un juif a
qui ils avaient vendu les choses qu'il leur etait impossible
d'emporter, et ensuite ils etaient partis un jour avant nous, et,
depuis Smolensk jusqu'a Krasnoe, ils avaient manque etre pris trois
fois, mais, la derniere fois qu'ils avaient rencontre des Cosaques,
ils en avaient surpris cinq et, apres les avoir fait deshabiller, les
avaient fusilles, et cela pour avoir leurs habillements; car leur
projet etait de s'habiller en Cosaques pour mieux piller leurs
camarades qui restaient en arriere, et aussi pour ne pas etre reconnus
par les Russes. Comme ils avaient deja six chevaux, ils devaient
commencer leur role le jour ou ils avaient ete pris. Elle ajouta que
sous leurs habillements de Cosaques, ils avaient leur uniforme de
Francais, de maniere a etre l'un et l'autre, suivant les
circonstances.
Enfin elle m'en eut dit davantage, si j'avais eu le temps de
l'ecouter. Je lui demandai avec qui elle etait; elle me repondit
qu'elle n'etait avec personne; que, le lendemain que son mari avait
ete tue, elle avait ete avec ceux avec qui je l'avais vue, et qu'elle
marchait seule, mais que, si je voulais la prendre sous ma
protection, elle aurait soin de moi, et que je lui rendrais un grand
service. Je consentis de suite a ce qu'elle me demandait, sans pe
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