de la part du colonel. Mais nos soldats, qui se
battaient en desesperes, ne l'entendirent pas et continuerent. Les
Russes, voyant qu'il n'y avait plus pour eux aucun espoir de salut, et
n'ayant plus, probablement, de munitions pour se defendre, essayerent
de sortir en masse du corps de batiment ou ils s'etaient retires et ou
ils commencaient a rotir, mais nos hommes les forcerent d'y rentrer.
Un instant apres, n'y pouvant plus tenir, ils firent une nouvelle
tentative, mais a peine quelques hommes furent-ils dans la cour, que
le batiment s'ecroula sur le reste, ou peut-etre plus de quarante
perirent dans les flammes; ceux qui etaient sortis ne furent pas plus
heureux.
Apres cette scene, nous ramassames nos blesses et nous nous reunimes
autour du colonel avec nos armes chargees, en attendant le jour.
Pendant ce temps, ce n'etait qu'un bruit, autour de nous, de coups de
fusil de ceux qui combattaient encore sur d'autres points; a cela
etaient meles les cris des blesses et les plaintes des mourants. Rien
d'aussi triste qu'un combat de nuit, ou souvent il arrive des meprises
bien funestes.
Nous attendimes le jour dans cette position. Lorsqu'il parut, nous
pumes nous reconnaitre et juger du resultat du combat: tout l'espace
que nous avions parcouru etait jonche de morts et de blesses. Je
reconnus celui qui avait voulu me tuer: il n'etait pas mort; la balle
lui avait traverse le cote, independamment du coup de sabre que
l'adjudant-major lui avait donne. Je le fis mettre dans une position
meilleure que celle ou il etait, car le cheval blanc de l'officier
russe, pres duquel il avait ete tomber, et qui se debattait, pouvait
lui faire mal.
L'interieur des maisons du village ou nous etions, je ne sais si c'est
Kircova ou Malierva, ainsi que le camp des Russes et les environs,
etaient couverts de cadavres dont une partie etaient a demi brules.
Notre chef de bataillon, M. Gilet, eut la cuisse cassee d'une balle,
dont il mourut peu de jours apres. Les tirailleurs et voltigeurs
perdirent plus de monde que nous; dans la matinee, je rencontrai le
capitaine Debonnez, qui etait du meme endroit que moi, et qui
commandait une compagnie des voltigeurs de la Garde; il venait
s'informer s'il ne m'etait rien arrive; il me conta qu'il avait perdu
le tiers de sa compagnie, plus son sous-lieutenant qui etait un
Velite, et son sergent-major qui furent tues des premiers.
Par suite de ce combat meurtrier, les Russes se retirerent de leurs
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