nte qu'il ne
m'echappat, je rentrai dans le bois, et, faisant un petit circuit,
j'arrivai a quelques pas derriere l'individu, sans qu'il m'ait apercu.
Mais, en cet endroit, comme il y avait beaucoup de broussailles, je
fis du bruit en avancant. Il se retourna, mais j'etais deja a cote de
la marmite et, sans lui donner le temps de me parler, je lui adressai
la parole: "Camarade, vous avez des pommes de terre, vous allez m'en
vendre ou m'en donner, ou j'enleve la marmite!" Un peu surpris de
cette resolution, et comme je m'approchais avec mon sabre pour pecher
dedans, il me dit que cela ne lui appartenait pas, et que c'etait a un
general polonais qui bivaquait pas loin de la et dont il etait le
domestique; qu'il lui avait ordonne de se cacher ou il etait pour les
faire cuire, afin d'en avoir pour le lendemain.
Comme, sans lui repondre, je me mettais en devoir d'en prendre, non
sans lui presenter de l'argent, il me dit qu'elles n'etaient pas
encore cuites, et, comme je n'avais pas l'air d'y croire, il en tira
une qu'il me presenta pour me la faire palper; je la lui arrachai et,
telle qu'elle etait, je la devorai: "Vous voyez, me dit-il, qu'elles
ne sont pas mangeables; cachez-vous un instant, ayez de la patience,
tachez surtout que l'on ne vous voie pas jusqu'au moment ou elles
seront bonnes a manger; alors je vous en donnerai."
Je fis ce qu'il me dit; je me cachai derriere un petit buisson, mais
si pres de lui que je ne pouvais le perdre de vue. Au bout de cinq a
six minutes, je ne sais s'il me croyait bien loin, il se leva et,
regardant a droite et a gauche, il prend la marmite et se sauve avec,
mais pas loin, car je l'arretai de suite en le menacant de tout
prendre s'il ne voulait pas m'en donner la moitie. Il me repondit
encore que c'etait a son general: "Seraient-elles pour l'Empereur,
qu'il m'en faut, lui dis-je, car je meurs de faim!" Voyant qu'il ne
pouvait se debarrasser de moi qu'en me donnant ce que je lui
demandais, il m'en donna sept. Je lui donnai quinze francs et je le
quittai. Il me rappela et m'en donna deux autres; elles etaient loin
d'etre bien cuites, mais je n'y pris pas grande attention, j'en
mangeai une et je mis les autres dans ma carnassiere. Je comptais
qu'avec cela, je pouvais vivre trois jours en mangeant, avec un
morceau de viande de cheval, deux par jour.
Tout en marchant et en pensant a mes pommes de terre, je me trompai de
chemin; je ne m'en apercus qu'aux cris et aux jurements que fais
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