, enleve une partie des marches
pour faire du feu et se chauffer, de maniere que le pauvre diable, en
descendant, fit une chute qui le mit dans un etat a ne pouvoir marcher
de sitot; il est probable qu'il ne sera jamais revenu.
Lorsque je fus reveille, je trouvai presque tous les soldats occupes
de faire rotir de la viande au bout de la lame de leur sabre. En
attendant que la soupe fut cuite, je leur demandai ou ils avaient eu
de la viande, ou si l'on avait fait une distribution. Ils me
repondirent que non, que c'etait la viande du cheval de la voiture des
morts, qu'ils avaient tue, pendant que les infirmiers etaient en train
de dormir; ils avaient bien fait, il fallait vivre.
Une heure apres, lorsque deja un bon quart du cheval etait mange, un
des croque-morts en prevint ses camarades qui tempeterent contre nous
et nous menacerent de porter leurs plaintes au directeur en chef des
hopitaux. Nous continuames a manger en leur repondant que c'etait
facheux qu'il fut si maigre ou qu'il n'y en eut pas une demi-douzaine
pour en faire une distribution au regiment. Ils partirent en nous
menacant, et, pour se venger, ils verserent les sept cadavres dont
leur voiture etait chargee, a l'entree de la porte, de maniere que
nous ne pouvions sortir ni rentrer sans marcher dessus.
Ces infirmiers, qui n'avaient pas fait la campagne, et a qui jamais
rien n'avait manque, ne savaient pas que, depuis plusieurs jours, nous
mangions les chevaux qui nous tombaient sous la main.
Il etait 7 heures, lorsque je me disposai a partir pour retourner ou
etait le regiment. Je commencai par prevenir les hommes, au nombre de
quatorze, qu'il fallait se reunir et arriver ensemble et en ordre.
Avant, nous nous mimes a manger une bonne soupe au riz, faite avec le
bouillon de viande de cheval. Apres cela, leur ayant fait mettre sur
le dos le sac ou ils avaient enferme leurs grandes pelisses de juifs,
nous sortimes de l'eglise qui commencait deja a se remplir de nouveaux
venus, malheureux et autres, qui avaient passe la nuit comme ils
avaient pu, et de beaucoup d'autres encore qui quittaient leurs
regiments, esperant trouver mieux. La faim les faisait roder dans tous
les coins. En entrant, ils ne prenaient pas garde aux cadavres qui
obstruaient le passage; ils passaient dessus comme sur des pieces de
bois, ils etaient aussi durs.
Lorsque je fus sur le chemin, je proposai a mes hommes, a qui je
contai mon aventure de la cave, d'y venir faire une visit
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