es prisons, en 1814, cette
dame m'apprit que son malheureux frere avait ete tue a Dresde, d'un
boulet. (_Note de l'auteur_.)]
Lui, Beaulieu, etait capitaine; il me dit qu'il avait l'ordre de
suivre la Garde. Je restai encore quelque temps avec lui, et, comme il
n'avait pas de vivres, nous partageames en freres le riz que j'avais
recu des hommes rencontres dans l'eglise, la nuit de notre arrivee.
C'etait la plus grande preuve d'amitie que l'on puisse donner a un
camarade dans une situation ou, pour de l'or, l'on ne pouvait rien
trouver.
Le 14 au matin, l'Empereur partit de Smolensk avec les regiments de
grenadiers et de chasseurs; nous les suivimes, quelque temps apres, en
faisant l'arriere-garde, laissant derriere nous les corps d'armee du
prince Eugene, Davoust et Ney reduits a peu de monde; en sortant de la
ville, nous traversames le Champ sacre, appele ainsi par les Russes.
Un peu plus loin de Korouitnia[29] se trouve un ravin assez profond et
encaisse; etant obliges de nous arreter afin de donner le temps a
l'artillerie de le traverser, je cherchai Grangier, ainsi qu'un autre
de mes amis, a qui je proposai de le traverser et de nous porter en
avant pour ne pas nous geler a attendre; etant, de l'autre cote,
forces de nous arreter encore, nous remarquames trois hommes autour
d'un cheval mort; deux de ces hommes etaient debout et semblaient
ivres, tant ils chancelaient. Le troisieme, qui etait un Allemand,
etait couche sur le cheval. Ce malheureux, mourant de faim et ne
pouvant en couper, cherchait a mordre dedans; il finit par expirer
dans cette position, de froid et de faim. Les deux autres, qui etaient
deux hussards, avaient la bouche et les mains ensanglantees; nous leur
adressames la parole, mais nous ne pumes en obtenir aucune reponse:
ils nous regarderent avec un rire a faire peur, et, se tenant le bras,
ils allerent s'asseoir pres de celui qui venait de mourir, ou,
probablement, ils finirent par s'endormir pour toujours.
[Note 29: Korouitnia, petit village. (_Note de l'auteur_.)]
Nous continuames a marcher sur le cote de la route, afin de gagner la
droite de la colonne et, de la, attendre notre regiment pres d'un feu
abandonne, si toutefois nous avions le bonheur d'en trouver. Nous
rencontrames un hussard, je crois qu'il etait du 8e regiment, luttant
contre la mort, se relevant et tombant aussitot. Malgre le peu de
moyens que nous avions de donner des secours, nous avancames pour le
secourir, mais il v
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