rres les uns contre les autres; le lendemain au matin, les trois
quarts etaient morts et ensevelis sous la neige, avec plus de dix
mille autres de differents corps.
Au jour, lorsque nous regagnames la route, nous fumes obliges, avec le
marechal, de descendre pres du ravin, ou, la veille, nous avions vu de
l'artillerie former son bivac: plus un n'existait; hommes, chevaux,
tous etaient couches et couverts de neige, les hommes autour de leurs
feux, et les chevaux encore atteles aux pieces qu'il fallait
abandonner. Il arrivait presque toujours qu'apres une tempete et un
froid excessif cause par le vent et la neige, le temps devenait plus
supportable; il semblait que la nature s'etait epuisee de nous avoir
frappes et qu'elle voulait respirer pour nous frapper encore.
Cependant, tout ce qui respirait se mit en marche. L'on voyait, a
droite et a gauche de la route, des hommes a demi morts sortir de
dessous des mauvais abris formes de branches de sapin, ensevelis sous
la neige; d'autres venaient de plus loin, sortant des bois ou ils
s'etaient refugies, se trainant peniblement, afin de gagner la route.
L'on fit halte un instant, pour les attendre. Pendant ce temps,
j'etais, avec plusieurs de mes amis, a parler de nos desastres de la
nuit et de la quantite incroyable d'hommes qui avaient peri. Nous
jetions machinalement un coup d'oeil sur cette terre de malheur. Par
places, l'on voyait encore des faisceaux d'armes formes, et d'autres
renverses, mais plus personne pour les prendre. Ceux qui gagnaient la
route avec les aigles de leurs regiments, apres s'etre reunis a
d'autres, se mettaient en marche.
Apres avoir rassemble le mieux possible tout ce qu'il y avait sur la
route, le mouvement de marche commenca: notre regiment forma
l'arriere-garde qui, ce jour-la, fut on ne peut plus penible pour
nous, vu la quantite d'hommes qui ne pouvaient plus marcher, et que
nous etions obliges de prendre sous les bras, afin de les aider a se
trainer et de les sauver, si l'on pouvait, en les conduisant jusqu'a
Smolensk.
Avant d'arriver a cette ville, il faut traverser un petit bois; c'est
la ou nous atteignimes toute l'artillerie reunie. Les chevaux
faisaient peine a voir; les affuts de canons, ainsi que les caissons,
etaient charges de soldats malades et mourant de froid. Je savais
qu'un de mes amis d'enfance, du meme endroit que moi, nomme Ficq,
etait, depuis deux jours, traine de cette maniere. Je m'informai de
lui a des chasseurs de
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