t glissante que
nous avions montee en arrivant, j'arrivai pres de la porte par ou nous
etions entres. J'arretai pour voir dans quel etat etaient les hommes
que nous avions laisses pres du poste qui etait a la porte, compose de
soldats badois dont une partie formait la garnison. Mais quelle fut ma
surprise! Cet ami que nous avions laisse avec d'autres malades, en
attendant de venir les chercher, je le trouvai a l'entree de la
baraque et n'ayant plus sur lui que son pantalon, car on lui avait ote
jusqu'a sa chaussure. Les soldats badois me dirent que des soldats du
regiment etaient venus chercher les autres, et qu'ayant trouve
celui-la prive de la vie, ils l'avaient eux-memes depouille, et
qu'ensuite ils avaient tourne la ville le long du rempart, avec les
deux malades qu'ils avaient enleves, esperant avoir le chemin
meilleur.
Pendant que j'etais la, plusieurs malheureux soldats de differents
regiments arrivaient encore, se trainant avec peine, appuyes sur leurs
armes. D'autres, qui etaient encore sur l'autre bord du Boristhene,
n'y voyant pas ou trompes par les feux, etaient tombes dans la neige,
pleuraient, criaient en implorant des secours. Mais ceux qui etaient
la, bien portants, etaient des Allemands ne comprenant rien ou ne
voulant rien comprendre. Heureusement qu'un jeune officier commandant
le poste parlait francais. Je le priai, au nom de l'humanite,
d'envoyer des secours aux hommes de l'autre cote du pont. Il me
repondit que, depuis notre arrivee, plus de la moitie de son poste
n'avait ete occupee qu'a cela, et qu'il n'avait presque plus d'hommes;
que son corps de garde etait rempli de soldats malades et blesses, au
point qu'il n'avait plus de place.
Cependant, d'apres mes instances, il envoya encore trois hommes qui,
un instant apres, revinrent avec un vieux chasseur a cheval de la
Garde, qu'ils soutenaient sous les bras. Ils nous dirent qu'ils en
avaient laisse beaucoup d'autres qu'il faudrait porter, mais que, ne
le pouvant pas, ils les avaient deposes pres d'un grand feu, en
attendant que l'on puisse les aller chercher. Le vieux chasseur avait,
a ce qu'il me dit, presque tous les doigts des pieds geles. Il les
avait enveloppes dans des morceaux de peaux de mouton. Sa barbe, ses
favoris et ses moustaches etaient charges de glacons. On le conduisit
pres du feu, ou on le fit asseoir. Alors il se mit a jurer contre
Alexandre, l'empereur de Russie, contre le pays et contre le bon Dieu
de la Russie. Ensuite i
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