un caisson, ma curiosite me porta a regarder dans la
voiture: je vis la mere et l'autre demoiselle toutes deux tombees
l'une sur l'autre. Elles paraissaient etre sans connaissance; enfin,
le soir de la meme journee, elles avaient fini de souffrir. Elles
furent, je crois, enterrees toutes trois dans le meme trou que firent
les sapeurs, pas loin de Valoutina. Pour en finir, je dirai que le
lieutenant-colonel, ayant peut-etre a se reprocher ce malheur, chercha
a se faire tuer dans differents combats que nous eumes, a Krasnoe et
ailleurs. Quelques jours apres notre arrivee a Elbingen, au mois de
janvier, il mourut de chagrin.
Cette journee, qui etait celle du 8 novembre, fut terrible, car nous
arrivames tard a la position et comme, le lendemain, nous devions
arriver a Smolensk, l'espoir de trouver des vivres et du repos--on
disait que l'on devait y prendre des cantonnements--faisait que
beaucoup d'hommes, malgre le froid excessif et la privation de toutes
choses, faisaient des efforts surnaturels pour ne pas rester en
arriere, ou ils auraient succombe.
Avant d'arriver a l'endroit ou nous devions bivaquer, il fallait
traverser un ravin profond et gravir une cote. Nous remarquames que
quelques artilleurs de la Garde etaient arretes dans ce ravin avec
leurs pieces de canon, n'ayant pu monter la cote. Tous les chevaux
etaient sans force et les hommes sans vigueur. Des canonniers de la
garde du roi de Prusse les accompagnaient; ils avaient, comme nous,
fait la campagne; ils etaient attaches a notre artillerie comme
contingent de la Prusse. Ils avaient, a cette meme place et a cote de
leurs pieces, forme leurs bivacs et allume leurs feux comme ils
avaient pu, afin d'y passer la nuit, dans l'esperance de pouvoir, le
lendemain, continuer leur chemin. Notre regiment, ainsi que les
chasseurs, fut place a droite de la route, et je crois que c'etait sur
les hauteurs de Valoutina, ou s'etait donnee une bataille et ou avait
ete tue le brave general Gudin, le 19 aout de la meme annee.
Je fus commande de garde chez le marechal Mortier; son habitation
etait une grange sans toit. Cependant on lui avait fait un abri pour
le preserver, autant que possible, de la neige et du froid. Notre
colonel et l'adjudant-major avaient aussi pris leur place au meme
endroit. L'on arracha quelques pieces de bois qui formaient la cloture
de la grange, et on alluma pour le marechal un feu auquel nous nous
chauffames tous. A peine etions-nous installes, e
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