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laisser bruler avec les autres. A la clarte de ce sinistre, les soldats isoles de differents corps qui bivaquaient autour de la, et mourant de froid autour de leurs feux presque morts comme eux, accoururent, non pour porter des secours--il etait trop tard et meme il avait presque toujours ete impossible,--mais pour avoir de la place et se chauffer en faisant cuire un morceau de cheval au bout de leurs baionnettes ou de leurs sabres. Il semblait, a les voir, que ce sinistre etait une permission de Dieu, car l'opinion generale etait que tous ceux qui s'etaient mis dans cette grange etaient les plus riches de l'armee, ceux qui, a Moscou, avaient trouve le plus de diamants, d'or et d'argent. L'on en voyait, malgre leur misere et leur faiblesse, se reunir a d'autres plus forts, et s'exposer a etre rotis, a leur tour, pour en retirer des cadavres, afin de voir s'ils ne trouveraient pas de quoi se dedommager de leurs peines. D'autres disaient: "C'est bien fait, car s'ils avaient voulu nous laisser prendre le toit, cela ne serait pas arrive!" Et d'autres encore, en etendant leurs mains vers le feu, comme s'ils n'avaient pas su que plusieurs centaines de leurs camarades, et peut-etre des parents, les chauffaient de leurs cadavres, disaient: "Quel bon feu!" Et on les voyait trembler, non plus de froid, mais de plaisir. Il n'etait pas encore jour, lorsque je me mis en route avec mon camarade pour rejoindre le regiment. Nous marchions, sans nous parler, par un froid plus fort encore que la veille, sur des morts et des mourants, en reflechissant sur ce que nous venions de voir, lorsque nous joignimes deux soldats de la ligne, occupes a mordre chacun dans un morceau de cheval, parce que, disaient-ils, s'ils attendaient plus longtemps, il serait tellement durci par la gelee qu'ils ne sauraient plus le manger. Ils nous assurerent qu'ils avaient vu des soldats etrangers (des Croates) faisant partie de notre armee, retirant du feu de la grange un cadavre tout roti, en couper et en manger. Je crois que cela est arrive plusieurs fois, dans le cours de cette fatale campagne, sans cependant jamais l'avoir vu. Quel interet ces hommes presque mourants avaient-ils a nous le dire, si cela n'etait pas vrai? Ce n'etait pas le moment de mentir. Apres cela, moi-meme, si je n'avais pas trouve du cheval pour me nourrir, il m'aurait bien fallu manger de l'homme, car il faut avoir senti le rage de la faim, pour pouvoir apprecier cette position:
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