revolution de sang-froid, tant elle vous
paraissait affreuse." Il ajoute que Dillon n'est ni republicain, ni
federaliste, ni aristocrate, qu'il est soldat, et qu'il ne demande qu'a
servir; qu'il vaut en patriotisme le comite de salut public et tous les
etats-majors conserves a la tete des armees; que du moins il est grand
militaire, qu'on est trop heureux d'en pouvoir conserver quelques-uns, et
qu'il ne faut pas s'imaginer que tout sergent puisse etre general.
"Depuis, ajoute-t-il, qu'un officier inconnu, Dumouriez, a vaincu malgre
lui a Jemmapes, et a pris possession de toute la Belgique et de Breda,
comme un marechal-des-logis _avec de la craie_, les succes de la
republique nous ont donne la meme ivresse que les succes de son regne
donnerent a Louis XIV. Il prenait ses generaux dans son anti-chambre,
et nous croyons pouvoir prendre les notres dans les rues; nous sommes meme
alles jusqu'a dire que nous avions trois millions de generaux."
On voit, a ce langage, a ces attaques croisees, que la confusion regnait
dans la Montagne. Cette situation est ordinairement celle de tout parti
qui vient de vaincre, qui va se diviser, mais dont les fractions ne sont
pas encore clairement detachees. Il ne s'etait pas forme encore de nouveau
parti dans le parti vainqueur. L'accusation de modere ou d'exagere planait
sur toutes les tetes, sans se fixer positivement sur aucune. Au milieu de
ce desordre d'opinions, une reputation restait toujours inaccessible aux
attaques, c'etait celle de Robespierre. Il n'avait certainement jamais eu
de l'indulgence pour les individus; il n'avait aime aucun proscrit, ni
fraye avec aucun general, avec aucun financier ou depute. On ne pouvait
l'accuser d'avoir pris aucun plaisir dans la revolution, car il vivait
obscurement chez un menuisier, et entretenait, dit-on, avec une de ses
filles un commerce tout a fait ignore. Severe, reserve, integre, il etait
et passait pour incorruptible. On ne pouvait lui reprocher que l'orgueil,
espece de vice qui ne souille pas comme la corruption, mais qui fait de
grands maux dans les discordes civiles, et qui devient terrible chez les
hommes austeres, chez les devots religieux ou politiques, parce qu'etant
leur seule passion, ils la satisfont sans distraction et sans pitie.
Robespierre etait le seul individu qui put reprimer certains mouvemens
d'impatience revolutionnaire, sans qu'on imputat sa moderation a des
liaisons de plaisir ou d'interet. Sa resistance, quand il en
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