listes effrayes qui ne voulaient point emigrer,
mais seulement donner une garantie solide a leur fortune, elles restaient
presque toutes sur la place, ou les plus alarmes se les transmettaient les
uns aux autres. Elles formaient ainsi une masse particuliere de capitaux,
garantie par l'etranger, et rivale de nos assignats. On a lieu de croire
que Pitt avait engage les banquiers anglais a signer une grande quantite
de ce papier, et leur avait meme ouvert un credit considerable pour en
augmenter la masse, et contribuer, de cette maniere, toujours davantage au
discredit des assignats.
On mettait encore beaucoup d'empressement a se procurer les actions des
compagnies de finances, qui semblaient hors des atteintes de la revolution
et de la contre-revolution, et qui offraient en outre un placement
avantageux. Celles de la compagnie d'escompte avaient une grande faveur,
mais celles de la compagnie des Indes etaient surtout recherchees avec la
plus grande avidite, parce qu'elles reposaient en quelque sorte sur un
gage insaisissable, leur hypotheque consistant en vaisseaux et en magasins
situes sur tout le globe. Vainement les avait-on assujetties a un droit de
transfert considerable: les administrateurs echappaient a la loi en
abolissant les actions, et en les remplacant par une simple inscription
sur les registres de la compagnie, qui se faisait sans formalite. Ils
fraudaient ainsi l'etat d'un revenu considerable, car il s'operait
plusieurs milliers de transmissions par jour, et ils rendaient inutiles
les precautions prises pour empecher l'agiotage. Vainement encore, pour
diminuer l'attrait de ces actions, avait-on frappe leur produit d'un droit
de cinq pour cent: les dividendes etaient distribues aux actionnaires
comme remboursement d'une partie du capital: et par ce stratageme les
administrateurs echappaient encore a la loi. Aussi de 600 francs ces
actions s'eleverent a 1,000, 1,200, et meme 2,000 francs. C'etaient autant
de valeurs qu'on opposait a la monnaie revolutionnaire, et qui servaient a
la discrediter.
On opposait encore aux assignats non seulement toutes ces especes de
fonds, mais certaines parties de la dette publique, et meme d'autres
assignats particuliers. Il existait en effet des emprunts souscrits a
toutes les epoques, et sous toutes les formes. Il y en avait qui
remontaient jusqu'a Louis XIII. Parmi les derniers, souscrits sous Louis
XVI, il y en avait de differentes creations. On preferait generalement
ce
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