ou
six champs de bataille sur lesquels ruisselait le sang humain. L'interieur
offrait un spectacle tout aussi deplorable. Les grains etaient toujours
chers et rares. Oh se battait a la porte des boulangers pour obtenir une
modique quantite de pain. On se disputait en vain avec les marchands pour
leur faire accepter les assignats en echange des objets de premiere
necessite. La souffrance etait au comble. Le peuple se plaignait des
accapareurs qui retenaient les denrees, des agioteurs qui les faisaient
rencherir, et qui discreditaient les assignats par leur trafic. Le
gouvernement, tout aussi malheureux que le peuple, n'avait, pour exister
aussi, que les assignats, qu'il fallait donner en quantite trois ou quatre
fois plus considerable pour payer les memes services, et qu'on n'osait
plus emettre, de peur de les avilir encore davantage. On ne savait donc
plus comment faire vivre ni le peuple ni le gouvernement.
La production generale n'avait pourtant pas diminue. Bien que la nuit du 4
aout n'eut pas encore produit ses immenses effets, la France ne manquait
ni de ble, ni de matieres premieres, ni de matieres ouvrees; mais la
distribution egale et paisible en etait devenue impossible, par les effets
du papier-monnaie. La revolution qui, en abolissant la monarchie, avait
voulu neanmoins payer sa dette; qui, en detruisant la venalite des
offices, s'etait engagee a en rembourser la valeur; qui, en defendant
enfin le nouvel ordre de choses contre l'Europe conjuree, etait obligee de
faire les frais d'une guerre universelle, avait, pour suffire a toutes ces
charges, les biens nationaux enleves au clerge et aux emigres. Pour mettre
En circulation la valeur de ces biens, elle avait imagine les assignats,
qui en etaient la representation, et qui, par le moyen des achats,
devaient rentrer au tresor et etre brules. Mais comme on doutait du succes
de la revolution et du maintien des ventes, on n'achetait pas les biens.
Les assignats restaient dans la circulation, comme une lettre de change
non acceptee, et s'avilissaient par le doute et par la quantite.
Le numeraire seul restait toujours comme mesure reelle des valeurs; et
rien ne nuit a une monnaie contestee, comme la rivalite d'une monnaie
certaine et incontestee. L'une se resserre et refuse de se donner, tandis
que l'autre s'offre en abondance et se discredite en s'offrant. Tel etait
le sort des assignats par rapport au numeraire. La revolution, condamnee a
des moyens violens, ne p
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