les choses sont bien simples. Quand j'ai fait la
connaissance d'Hortense, j'ai obei a un caprice: elle me plaisait, voila
tout. Mais bientot j'ai appris a la connaitre, et j'ai vu qu'elle valait
mieux, beaucoup mieux qu'un caprice. Aujourd'hui je l'aime et je suis
heureux d'etre aime par elle. C'est la ce que vous appelez de la folie.
Peut-etre au point de vue de la raison pure, est-ce en effet de la
folie, mais j'ai le malheur d'etre ainsi fait que je prefere la folie
qui me donne le bonheur a la sagesse qui ne me donnerait que l'ennui.
--Mais, malheureux enfant....
--Tout ce que vous pourrez me dire, croyez bien que je me le suis deja
dit: je gaspille ma jeunesse, je compromets mon avenir, je m'expose a
etre juge severement par ceux qui s'appellent les honnetes gens, cela
est vrai, je le sais, je le crois; mais j'aime, je suis aime, je vis, je
me sens vivre. Ah! je vous trouve tous superbes avec vos sages paroles:
cette jeune fille que tu aimes n'a pas de fortune, il n'est pas sage de
l'aimer, oublie-la, la sagesse c'est d'aimer une femme riche et bien
posee dans le monde; cette autre que tu aimes n'est pas digne non plus
de ton amour, il n'est donc pas sage de l'aimer; nous qui ne la
connaissons pas, nous la connaissons mieux que toi. Eh bien, je l'aime,
et rien ne me separera d'elle. Quand ma famille me repoussait et me
deshonorait, ou ai-je trouve de l'affection et de l'appui, si ce n'est
pres d'elle? Quand je suis sorti de l'audience, ou sur la demande de mon
pere et de ma mere ... de ma mere, Byasson, on venait de faire de moi
une sorte de chose inerte, quels bras se sont ouverts pour me recevoir?
les siens. Et vous voulez que maintenant je me separe de cette femme qui
m'a console dans le malheur, qui par tendresse pour moi s'est ruinee,
pour rester ma maitresse, quand vous qui etes riche vous m'avez
deshonore de peur que la centieme, la millieme partie peut-etre de votre
fortune soit compromise. Eh bien, non, je ne la quitterai pas; non, je
ne l'abandonnerai pas, car ce serait une lachete et une infamie dont je
ne me rendrai pas coupable. Ma folie raisonne, vous voyez bien, elle est
donc incurable.
--Que tu penses a elle, je le comprends, mais ne penseras-tu pas a ton
pere, ne penseras-tu pas a ta mere?
--A qui ont-ils pense lorsqu'ils ont presente cette demande? a moi ou a
eux?
--Ne parlons point du passe; parlons du present. Que vas-tu faire?
--Rien pour le moment, je suis incapable de rien faire.
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