qualites qui sont dans ton
coeur?
--Je vous dirai que vous parlez d'une femme que vous ne connaissez pas.
--Oui, mais tu ne me diras pas que tu as ete seduit et entraine par ces
qualites qui, etant aussi en elle, se sont mariees aux tiennes. Tu as
ete seduit par ses defauts, par ses vices, par son savoir de vieille
femme, qui depuis vingt-cinq ans a etudie, pratique, experimente sur le
sujet vivant, dont elle fait rapidement un cadavre, toute les roueries
de la passion qu'elle peut jouer, j'en suis convaincu, avec un art
incomparable. Je les connais, ces habiletes de vieilles femmes qui se
font les meres en meme temps que les maitresses de leurs jeunes amants,
leur preparant d'une main experimentee la cantharide ou le haschisch et
de l'autre les enveloppant de flanelle. Voila ce qui m'epouvante pour
toi et me fait te tenir ce discours, que je t'epargnerais comme je me
l'epargnerais moi-meme, si, au lieu d'etre aux mains de cette femme, tu
aimais la premiere venue; une jeune fille, n'importe qui, la fille de
ton concierge, dont le coeur ne serait pas pourri et gangrene.
--C'etait a mon pere qu'il fallait l'adresser, ce discours, quand
j'aimais Madeleine.
--Je l'ai fait.
--Et vous n'avez point ete ecoute, pas plus que je ne l'ai ete moi-meme;
vous voyez donc bien que ce n'est pas seulement leur caisse que mon pere
et ma mere veulent mettre a l'abri de mes prodigalites, c'est encore mon
coeur qu'ils veulent proteger contre mes egarements, c'est ma vie qu'ils
veulent prendre pour la diriger au gre de leurs idees, de leurs
interets, de leur sagesse. Eh bien, je me suis revolte, et puisqu'on
m'avait empeche de prendre pour femme, une jeune fille digne entre
toutes de respect et d'amour, aupres de laquelle j'aurais vecu heureux
dans ma famille, tranquillement, sans autres emotions que celles du
bonheur et de la paix, j'ai pris pour maitresse une femme qui a ete
assez habile, non pour me faire oublier celle que j'ai aimee, celle que
j'aime toujours, car rien n'effacera de mon coeur le souvenir de
Madeleine, mais pour me consoler. Et pour cela, j'en conviens, il
fallait en effet que son art fut grand, tres-grand. Mais pour tout le
reste, ne croyez rien de ce que vous venez de dire, rayez la cantharide
et la flanelle, ce n'est pas par la qu'Hortense me tient comme vous le
pensez. Vous avez beaucoup trop d'imagination, et cette imagination
n'est plus jeune, ce qui fait qu'elle va chercher de savantes
complications la ou
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