eut complique ma demande de questions d'argent et d'interets qui
m'eussent impose une grande reserve. Dieu merci, cette reserve n'existe
pas maintenant, et je n'ai pas a me renfermer dans une froide dignite.
Je peux te prier, te supplier, faire appel a ta tendresse, a l'amour, a
nos souvenirs de bonheur, sans qu'on puisse m'accuser de calcul et sans
craindre de meler l'argent au sentiment, car ce mariage purement
religieux, ne me donnera aucuns droits a ta fortune, je ne serai pas ta
femme pour la loi, je ne porterai pas ton nom, pour tous notre union
sera nulle, elle n'existera que pour nous ... et que pour Dieu. Voila
pourquoi j'insiste, pourquoi je te presse: que m'importe la loi des
hommes, je n'ai souci que de celle de Dieu.
Ce n'etait pas seulement par la parole qu'elle le pressait, c'etait
encore par le regard, par la voix, par l'accent, par le geste, se
serrant contre lui, l'enveloppant, l'etreignant, le fascinant: s'il y
avait de l'habilete dans ce qu'elle disait, combien plus encore y en
avait-il dans la facon dont elle le disait: ce discoure eut pu laisser
calme un indifferent, mais ce n'etait pas a un indifferent qu'elle
s'adressait, c'etait a un homme qui l'aimait, qui etait separe d'elle
depuis quinze jours, qu'elle avait depuis longtemps etudie dans son fort
aussi bien que dans son faible, et qu'elle connaissait comme la pianiste
connait son clavier. Pendant toute la traversee, elle avait
soigneusement travaille les airs qu'elle jouerait sur ce clavier, et,
dans ce qu'elle disait, dans ce qu'elle faisait, rien n'etait livre aux
hasards dangereux de l'improvisation.
Que n'eut-elle pas espere si elle avait pu savoir que celui sur qui elle
exercait deja tant de puissance venait d'etre frappe au coeur par un
coup qui lui enlevait toute force de resistance! Connaissant la depeche
au banquier, ce n'eut peut-etre pas ete le seul mariage religieux
qu'elle eut poursuivi.
Elle reprit:
--Pour etre sincere, je dois dire que ce n'est pas seulement le repos de
ma conscience que je te demande, c'est encore celui de ma vie entiere,
celui de la tienne. Il est bien certain que, par tous les moyens, tes
parents poursuivront notre separation; le passe nous annonce l'avenir;
ils ne reculeront devant rien. Qui sait s'ils ne reussiront pas? On est
bien fort quand on est pret a tout. Ce mariage nous defendra contre eux,
et il me donnera la securite sans laquelle je ne peux plus vivre. Tu
leur diras la verite, et alors
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