lle Harol qu'il ne connaissait pas et dont il
n'avait pas souci; ce n'etait pas une de ces debutantes qui, par le
bruit dont elles ont soin de s'entourer, forcent l'attention.
Hamlet, en scene, exhalait ses plaintes sur l'inconstance et la
fragilite des femmes, Byasson essuya les verres de sa lorgnette et se
mit a examiner la salle, allant de loge en loge.
Il etait absorbe dans cet examen et il tournait le dos a la scene
lorsque, brusquement, il changea de position et braqua sa lorgnette sur
le theatre: une voix qu'il avait deja entendue venait de reciter les
premiers mots du role d'Ophelie:
Helas! votre ame, en proie
A d'eternels regrets, condamne votre joie!
Et le roi, m'a-t-on dit, a recu vos adieux!
Ce n'etait pas seulement cette vois qu'il avait deja entendue; celle qui
chantait, il l'avait deja vue aussi!
Madeleine!
Et, n'ecoutant plus, il regarda; mais l'eclairage de la rampe change les
traits; d'autre part, le blanc, le rouge et tous les ajustements de
theatre substituent si bien le faux au vrai, qu'il resta assez longtemps
la lorgnette braquee sans savoir a quoi s'en tenir.
Il avait si souvent pense a Madeleine qu'il devait etre en ce moment le
jouet d'une illusion: il voyait Madeleine parce que Madeleine occupait
son esprit.
Cependant la ressemblance etait veritablement merveilleuse: c'etait
elle, c'etait sa tete ovale, son nez droit, ses yeux bleus, ses cheveux
blonds, sa figure douce et pensive.
Mais n'etait-ce point Ophelie qui precisement ressemblait a Madeleine?
quoi d'etonnant a cela; le type de la beaute de Madeleine n'etait-il pas
celui de la beaute blonde, vaporeuse et poetique?
Le duo avec Hamlet venait de s'achever et les applaudissements
eclataient dans toute la salle s'adressant non-seulement a Hamlet, mais
encore, mais surtout a Ophelie: en quelques minutes, le public,
indifferent pour elle, avait ete gagne et charme.
Byasson avait ete trop occupe a regarder mademoiselle Harol pour avoir
pu la bien ecouter. Cependant il lui avait semble que la voix etait
belle et puissante; elle remplissait sans effort la vaste salle de
l'opera, et la voix de Madeleine, au temps ou il l'avait entendue, etait
loin d'avoir cette etendue et cette surete.
Il est vrai que, depuis cette epoque, c'est-a-dire depuis plus de trois
ans, cette voix avait pu se developper par le travail.
Mais ou Madeleine, si c'etait Madeleine, avait-elle pu travailler?
On disait que cette jeune ch
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