sant les yeux.
--Ah! vous savez?
--Je sais ce que les journaux ont rapporte de ce proces, qui, je le
comprends, a du causer de terribles chagrins a mon oncle et a ma tante.
Et lui ... je veux dire Leon, comment a-t-il supporte cette crise?
--Nous n'avons pas vu Leon depuis longtemps; il a rompu toutes relations
avec nous, et ses amis ont rompu toutes relations avec lui.
--Ah! pauvre Leon!
--Que n'entend-il cette parole de sympathie! elle lui serait douce.
--Il est malheureux?
--Tres-malheureux, le plus malheureux homme du monde.
--Mon Dieu!
De nouveau il la regarda, elle paraissait profondement emue et troublee,
et cependant elle n'etait plus une enfant qui s'abandonne sans
resistance a ses impressions; de grands changements s'etait faits en
elle, elle avait pris de l'assurance dans le regard, de la liberte et de
l'aisance dans ses attitudes, sa voix avait de la fermete, son geste de
l'ampleur, la jeune fille etait devenue une jeune femme.
--Mon enfant, dit Byasson en lui prenant la main, je vais etre sincere
avec vous et tout vous apprendre: Leon est tombe sous l'influence d'une
femme indigne de lui, et comme il est tendre, comme il est bon, comme le
bonheur pour lui consiste a rendre heureux ceux qu'il aime, il a ete
promptement domine, sa volonte a ete annihilee, et si completement, que
dans une heure de folie, n'ayant personne aupres de lui, seul en
Amerique, il s'est laisse marier a cette femme. Comment cette folie
a-t-elle ete provoquee? c'est la le point interessant, et je vous
demande, mon enfant, de m'ecouter avec la confiance que vous accorderiez
a votre pere, si vous l'aviez encore, comme un ami devoue, qui a
toujours eu pour vous une ardente sympathie et qui vous aime de tout son
coeur.
Sans repondre, elle lui serra la main dans une etreinte emue.
--C'est non-seulement de Leon que je dois parler, c'est encore de vous,
c'est non-seulement de ses sentiments, c'est encore des votres. Le sujet
est difficile, delicat, soyez indulgente, soyez patiente. Leon n'a pas
pu vous voir sans vous aimer....
--Oh! monsieur Byasson! s'ecria-t-elle on detournant la tete.
--Je vous ai demande toute votre confiance et toute votre indulgence;
laissez-moi aller jusqu'au bout; il s'agit du bonheur, de l'honneur de
Leon, de la vie de votre oncle et de votre tante. Lorsque Leon est
revenu de Saint-Aubin avec vous, il s'est franchement ouvert a son pere
et a sa mere en leur disant qu'il desirait vous pre
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