de l'entree; elle l'ouvrit;
il avait deja descendu deux etages: le rejoindre etait impossible,
l'appeler etait inutile, elle rentra, puis allant dans sa chambre, elle
prit un paletot et un chapeau avec une voilette noire epaisse; ainsi
habillee elle descendit a son tour l'escalier; quand elle fut dans la
rue, une voiture vide passait; elle arreta le cocher et lui dit de la
conduire rue de Chateaudun, n deg. 48; la il attendrait.
VIII
En sortant de la rue Auber, il gagna les boulevards, puis les quais; il
avait besoin de marcher; la colere grondait dans son coeur et dans sa
tete, la fievre bouillonnait dans ses veines, il fallait qu'il calmat
l'une et qu'il usat l'autre par le mouvement.
Il alla ainsi a grands pas, droit devant lui, sans rien voir, sans
savoir ou il etait pendant pres de deux heures. Puis, se trouvant sur la
place de la Concorde, l'idee lui vint d'entrer rue de Rivoli; il savait
par Madeleine que son ancien appartement etait dans l'etat ou il l'avait
quitte; il s'y installerait, et ce serait fini, bien fini avec Cara.
S'il avait eu sa clef, il aurait realise cette idee; mais, a la pensee
d'aller sonner a la porte de son pere pour demander cette clef a
Jacques, un mouvement de fausse honte le retint: ce n'etait pas ainsi
qu'il devait rentrer chez lui, s'il y rentrait.
Depuis longtemps, il n'avait point ose passer rue Royale, mais a cette
heure il n'avait point a craindre la rencontre d'un employe. Arrive
devant la maison de son pere, il vit une faible lumiere a une fenetre,
celle du bureau de ses parents; sa mere etait la penchee sur ses livres,
travaillant encore: pauvre femme! et une douloureuse emotion le serra a
la gorge.
Il continua sa marche jusqu'a la gare Saint-Lazare, et la il se souvint
qu'il n'avait pas dine. Il entra dans un restaurant, et dit au garcon de
lui servir a manger, n'importe quoi, ce qui se trouverait de pret.
Qu'allait-il faire en sortant de ce restaurant? Il ne pouvait pas errer
toute la nuit dans les rues; il ne pouvait pas davantage rentrer chez
lui rue Auber, puisqu'il etait decide a ne revoir jamais Cara.
A ce moment, une personne qui occupait la table voisine de la sienne dit
au garcon de se presser, afin de ne pas lui faire manquer le train du
Havre.
Ce nom, tombant par hasard dans son oreille, lui suggera l'idee d'aller
au Havre, la mer le calmerait. Justement il avait change un billet de
cinq cents francs le matin et il en avait garde la monnaie,
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