nte a sa mere: meme tournure, meme taille, meme demarche,
c'etait a croire que c'etait elle.
Mais cette pensee ne se fut pas plus tot presentee a son esprit qu'il la
chassa: cela n'etait pas possible, c'etait sa vision interieure qu'il
voyait; sa mere n'etait pas en deuil.
De qui serait-elle en deuil?
Il regarda plus attentivement; une voiture ayant barre le passage a
cette dame, celle-ci s'arreta et tourna a demi la tete du cote de Leon.
C'etait-elle! le doute n'etait pas possible, c'etait bien elle; mais
alors que signifiait ce deuil?
Instinctivement et sans reflechir il traversa le boulevard en courant.
Quand il rejoignit madame Haupois-Daguillon, elle atteignait les
premieres marches de l'escalier.
--Mere? s'ecria-t-il d'une voix etouffee.
Elle se retourna et en l'apercevant tout pres d'elle elle recula.
--En deuil, dit-il, tu es en deuil, de qui?
Elle le regarda un moment.
--De mon fils, dit-elle.
Et elle continua de gravir l'escalier sans se retourner, le laissant
ecrase, suffoque.
FIN DE LA DEUXIEME PARTIE.
TROISIEME PARTIE
I
Le theatre de l'Opera annoncait _Hamlet_, pour les debuts de
mademoiselle Harol, dans le role d'Ophelie.
C'etait la premiere fois que Paris entendait ce nom, qui, disaient les
journaux de theatres, etait celui d'une jeune chanteuse, Francaise
d'origine, mais dont la reputation s'etait faite en Italie a la Scala, a
la Fenice, a la Pergola. Quelques articles avaient parle des succes
qu'elle avait obtenus sur ces scenes, mais Paris a autre chose a faire
que de s'occuper de ce qui se passe a l'etranger, et toute reputation
qu'il n'a pas consacree, il s'imagine qu'il a ce droit, n'existe pas
pour lui.
Faite simplement, modestement et sans reclames tapageuses, l'annonce de
ce debut n'avait pas produit une bien vive curiosite dans le public:
aussi, lorsque le rideau se leva, la salle n'etait-elle pas celle d'une
representation extraordinaire; trois ou quatre critiques tout au plus
avaient daigne se deranger, parce qu'on leur avait fait un service et
surtout parce qu'ils n'avaient pas a employer mieux leur soiree
ailleurs; il y avait des trous dans les loges et plus d'un fauteuil
d'orchestre etait vide.
Au milieu du premier tableau, Byasson vint occuper un de ces fauteuils:
il n'y avait pas de premiere representation ce soir-la, et, ne sachant
que faire, il etait venu a l'Opera plutot pour ne pas se coucher trop
tot que pour voir mademoise
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