si, dans la carriere qu'elle a embrassee, elle a pu rester honnete
comme on me l'a dit, c'est parce qu'elle a ete gardee par ce sentiment.
Il est certain que je puis me tromper, je le reconnais. Mais il est
certain aussi que si, contrairement a mon esperance, ce sentiment
n'existe, pas, et que si d'autre part vous n'acceptez pas Madeleine pour
votre belle-fille, Leon, avant deux mois, sera marie avec Cara par un
mariage que ni les tribunaux civils, ni les tribunaux ecclesiastiques ne
pourront rompre. La question presentement se reduit a ceci: Qui
preferez-vous pour belle-fille de Cara ou de Madeleine? Decidez.
Maintenant laissez-moi vous repeter encore ce que je vous ai deja dit.
Leon ne consentira a voir les preuves dont vous attendez merveille que
si Madeleine lui ote le bandeau que Cara lui a mis sur les yeux. Essayez
de vous servir de ces preuves avec un aveugle, et vous haterez son
mariage. Ce ne sera pas Cara qu'il accusera, ce sera vous. Je ne suis
pas un grand maitre dans les choses du coeur, cependant j'ai vu des gens
possedes par la passion, et de ce que j'ai vu est resultee pour moi la
conviction que, quand une femme est parvenue a mettre des verres roses
aux lunettes de l'homme qui l'aime, il n'y a qu'une autre femme qui peut
changer ces verres, celle-la les remplace avec une extreme facilite, et
de ce jour ce qui etait rose devient noir pour lui, c'est d'un autre
cote qu'il voit rose. Je vous ai dit ce que ma conscience m'inspirait.
Je vous adjure en cette affaire de ne voir que l'interet de votre fils
et son avenir: n'oubliez pas que vous ne trouverez pas facilement une
jeune fille qui voudra accepter pour mari l'homme veuf de mademoiselle
Hortense Binoche, dite Cara, laquelle ne sera pas morte.
--Je verrai Madeleine ... dit M. Haupois.
Mais madame Haupois intervint de nouveau.
--Nous ne sommes pas en mesure de lever haut la tete; pour moi je suis
accablee; voyez Madeleine, mon cher Byasson, et dites-lui de ma part, de
notre part, que nous n'aurons rien a refuser a celle qui nous aura rendu
notre fils..., si elle est digne de lui.
III
Pour qui connaissait comme Byasson l'orgueil de M. et de madame
Haupois-Daguillon, c'etait un point capital d'avoir obtenu qu'ils
accepteraient Madeleine pour belle-fille si celle-ci leur rendait leur
fils; il s'etait attendu a des luttes; et celle qu'il avait du soutenir
avait ete beaucoup moins vive qu'il n'avait craint quand l'idee lui
etait venue de fai
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