moment, elle avait mieux a faire; plus
tard, elle lui dirait ce qu'elle pensait de lui; pour le moment elle ne
devait lui dire que ce qui etait utile.
Jusqu'alors elle avait parle debout devant Leon en le tenant sous son
regard; mais, si cette position etait bonne pour l'observer et le
dominer, elle etait mauvaise pour le toucher et dans un mouvement de
trouble passionne lui faire perdre la tete.
Elle vint donc se placer pres de lui sur le canape ou il etait assis:
--Voila dans quelles dispositions j'ai quitte Paris, dit-elle, decidee a
t'obliger a la rupture ou au mariage, a la rupture si tu etais le
complice de ta famille, ou au mariage si tu en etais la victime. Et ma
resolution etait si bien arretee que j'ai eu soin de prendre avec moi
tous les papiers necessaires a ce mariage: tes actes de naissance et de
bapteme, ainsi que les miens. Tu vas me dire que ce n'est pas en
quelques minutes qu'on obtient ces actes. Cela est juste, et je ne veux
pas qu'a cet egard il s'eleve un doute dans ton esprit: j'avais ces
actes depuis quelque temps deja, bien avant que ton voyage fut decide,
les legalisations qui sont sur les actes de naissance en feront foi par
leur date.
Pourquoi avait-elle leve ces actes bien avant que le voyage de Leon fut
decide? Ce fut ce qu'elle n'expliqua pas; il suffisait au succes de son
plan que Leon ne put pas croire qu'elle avait eu le temps de les obtenir
entre le moment ou Rouspineau avait parle et celui ou elle etait partie,
et la date de la legalisation etait une reponse suffisante a cette
question si Leon se la posait.
Elle continua:
--Pendant les premiers jours de la traversee, je m'affermis dans ma
resolution: rupture ou mariage; il n'y avait que cela de possible, il
n'y avait que cela de digne.
--Comment as-tu pu admettre de sang-froid que je te trompais?
--Remarque que j'etais dans une situation terrible: si je n'admettais
pas que tu me trompais, je devais admettre que c'etait ta mere qui te
trompait, et, malgre tout, je n'osais porter une pareille accusation
contre celle qui etait ta mere, tant jusqu'a ce jour je m'etais habituee
a la respecter. Enfin je passai quelques jours dans une angoisse
affreuse, malade en plus, horriblement malade par la mer. Pendant ces
jours de douleur, je n'ai pas quitte ma cabine. Cependant, cet etat de
maladie et de faiblesse a eu cela de bon qu'il a calme la fievre et la
colere qui me devoraient quand j'ai quitte Paris. Une nuit que tout le
mo
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