sant en lui comme dans un livre.
Or, ce qu'elle lisait n'etait pas pour la satisfaire: tout d'abord la
surprise, puis l'embarras, puis enfin la repulsion.
Mais elle n'etait pas femme a se facher et encore moins a se decourager
en voyant l'accueil fait a son projet.
A vrai dire, elle l'avait prevu cet accueil. Elle connaissait trop bien
Leon pour s'imaginer, alors que dans les longues heures de la traversee
elle preparait ce discours, qu'il allait lui repondre en lui sautant au
cou et en ecrivant a un notaire de Paris pour que celui-ci procedat aux
sommations respectueuses. Cette hardiesse de resolution n'etait pas dans
le caractere de Leon. Si monte qu'il put etre contre ses parents,--et de
ce cote elle l'avait trouve dans les dispositions les plus favorables a
ses desseins,--si exaspere qu'il fut, il avait trop le sentiment de la
famille, il etait trop petit garcon, il etait trop domine par le respect
humain pour risquer aussi franchement une declaration de guerre a
visage decouvert. Si elle l'avait cru capable d'un pareil coup de tete,
elle n'aurait pas entrepris ce voyage d'Amerique, et a Paris meme elle
se fut fait epouser. Si, malgre ses previsions, elle avait cependant
parle de ce mariage precede de sommations, c'est parce qu'il etait dans
ses principes de ne jamais rien negliger de ce qui avait une chance, si
faible qu'elle fut, de reussir. Or, comme il se pouvait que Leon, en se
voyant en butte aux tracasseries de sa famille, entrat dans un acces
d'exasperation qui lui ferait accepter cette idee de mariage, elle avait
cru devoir la mettre en avant, quitte a se replier sur une autre, si
celle-la etait repoussee. Et, en consequence, elle avait prepare cette
autre idee dont la realisation, pour lui donner des avantages moins
complets que la premiere, n'en serait pas moins cependant pour elle un
superbe succes qui couronnerait ses efforts.
L'exasperation ne s'etant pas produite chez Leon au point de l'entrainer
aux dernieres extremites, Cara ne commit point la maladresse de lui
faire une scene de reproches, qui n'aurait abouti a rien de pratique.
Elle etait indignee de voir son embarras et son trouble, et c'eut ete
avec une veritable jouissance qu'elle lui eut reproche sa lachete en
l'accablant de son mepris. Mais on ne fait pas ce qu'on veut en ce
monde, et elle n'avait pas traverse l'Ocean pour s'offrir des
jouissances purement platoniques. Plus tard elle se vengerait de ces
hesitations enfantines; pour le
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