e quelque chose
de grave; allons dans notre chambre, et dis-moi tout, absolument tout.
Elle avait eu le temps de reflechir et de prendre une contenance, elle
ecouta donc Leon sans l'interrompre.
Il lui dit comment, au moment ou il rentrait, Jacques, le valet de
chambre de ses parents, lui avait remis une lettre de sa mere; comment
en apprenant que sa mere etait malade il avait couru rue de Rivoli, sans
penser a rien autre chose qu'a cette nouvelle inquietante; comment il
avait trouve sa mere alitee, souffrant de douleurs rhumatismales fort
penibles; comment celle-ci, au moment de diner, lui avait demande de
partager son diner de malade; comment il n'avait pu refuser; enfin
comment, malgre le desir qu'il en avait, il n'avait pu trouver personne
pour apporter, rue Auber, un mot expliquant son retard.
Elle l'avait ecoute les yeux dans les yeux, debout devant lui; lorsqu'il
se tut, elle s'avanca de deux pas et, lui prenant la tete entre les
mains en se penchant doucement, de maniere a l'effleurer de son souffle:
--Comme c'est bien toi! dit-elle d'une voix caressante; comme c'est bien
ta bonte, ta generosite, ta tendresse; ta mere, s'associant a ton pere,
t'a mis en dehors de la famille; tu apprends qu'elle est malade, tu
oublies l'injure, la blessure qu'elle t'a faite; tu n'as plus qu'une
pensee: l'embrasser; et tu cours a elle les bras ouverts. Oh! mon cher
Leon, comme je t'aime et que je suis fiere de toi! Oh! le brave garcon,
le bon coeur!
Et, lui passant un bras autour du cou, elle s'assit sur ses genoux,
puis, avec effusion passionnee, elle l'embrassa encore:
--Et pourtant, reprit-elle, je t'en veux de n'avoir pas pense a moi.
--Je te jure....
--Tu me jures que quand ta mere t'a garde a diner tu as ete peine de ne
pouvoir me prevenir, je le crois; mais ce n'est pas cela que je veux
dire. Je t'en veux de n'avoir pas eu l'idee de monter ici quand ton
vieux Jacques t'a remis la lettre de ta mere, car cela ne t'aurait pris
que quelques minutes a peine, et tu ne m'aurais pas laisse dans
l'angoisse; niais ce n'est pas la question du temps qui t'a retenu; c'en
est une autre: tu as eu peur que je te garde.
--Je t'assure que non.
--Sois franc. Eh bien, tu as eu tort de penser que je pouvais t'empecher
d'aller voir ta mere malade, car la verite est qu'il y a longtemps que
je t'aurais envoye pres d'elle, meme alors qu'elle etait en bonne sante,
si je l'avais ose. Est-ce que je n'ai pas tout interet, grand enf
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