e sa mere, aux douces emotions qui emplissait son
coeur; mais, malgre lui, la pensee d'Hortense s'imposa imperieusement a
son esprit.
Dans quel etat allait-il la trouver? C'etait la premiere fois qu'il la
faisait attendre. Qu'avait-elle pu croire? Qu'allait-elle dire? Ce fut
quatre a quatre qu'il monta les marches de son escalier.
Comme il allait, courbe en avant, la tete basse, il fut tout surpris, un
peu avant d'arriver a son palier, de se trouver brusquement arrete; en
meme temps deux bras se jeterent autour de son cou:
--Enfin, te voila!
C'etait Hortense, haletante, eperdue.
Ils acheverent de gravir l'escalier dans les bras l'un de l'autre, et ce
fut seulement a la porte du salon close qu'Hortense, apres l'avoir
passionnement embrasse a plusieurs reprises, put trouver des paroles
pour l'interroger:
--Ou as-tu ete? Qu'as-tu fait? Que t'est-t-il arrive? Qui t'a retarde?
Comment n'as-tu pas pu me prevenir? Ah! si tu savais quelles ont ete mes
angoisses! Je t'ai cru mort! J'ai cru que tu m'abandonnais! Parle donc;
tu es la et tu ne dis rien. Si tu ne m'aimes plus, avoue-le
franchement, loyalement. Mais non, je suis folle. Tu m'aimes, je le
vois, je le sais.
Elle voulait qu'il parlat, et elle ne lui laissait pas le temps d'ouvrir
les levres.
Enfin, sans desserrer les bras, elle se tut, et ce ne fut plus que par
les yeux qu'elle l'interrogea, le pressant, le suppliant.
Mais, au moment ou il allait parler, Louise ouvrit la porte pour dire
que le diner etait servi:
--Ah! c'est vrai, s'ecria Cara, j'oubliais, tu dois etre mort de faim,
viens diner, a table tu me raconteras tout.
--Mais j'ai dine.
--Ah! tu as dine; et moi, pendant que tu dinais tranquillement,
joyeusement, je souffrais le martyre. Et avec qui as-tu dine?
--Avec ma mere.
Cara etait ordinairement maitresse de ses impressions, elle ne put pas
cependant retenir un mouvement de stupefaction:
--Ta mere!
Alors il voulut commencer son recit; mais, apres l'avoir si vivement
presse de parler, elle ne le laissa pas prendre la parole:
--Je n'ai pas dine, dit-elle, car j'etais trop tourmentee pour manger,
mais maintenant que je vois que j'ai ete comme toujours beaucoup trop
naive, je vais me mettre a table si tu veux bien le permettre; tu me
conteras ton affaire ce soir, rien ne presse, n'est-ce pas?
Elle se mit a table, mais apres le potage il lui fut impossible de
manger.
--Non, dit-elle, cela m'etouffe; je sens qu'il se pass
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