les jeunes gens a Clichy, les separer de leurs
maitresses: M. Leon Haupois a fait pour deux cent mille francs de
billets, m'avez-vous dit, nous aurions eu une arme excellente; une fois
a Clichy, il aurait eu le temps de se deshabituer de sa maitresse, et la
force de l'accoutumance, si puissante en amour, brisee, vous auriez eu
bien des chances pour rompre definitivement cette liaison. Je me sens si
incapable, et vous,--il se tourna vers M. Haupois,--et vous, monsieur,
je vous vois si faible en presence du danger qui vous menace que j'en
viens a vous dire: souhaitez que votre fils manque a cet honneur que
vous invoquiez si haut il y a quelques instants; qu'il se fasse
condamner, et nous l'arrachons a cette femme: il serait en prison, il
serait a la Nouvelle-Caledonie, je vous le rendrais et il reviendrait,
j'en suis sur, un honnete homme; il est dans la chambre de Cara, je ne
puis rien sur lui, rien pour lui; et je ne sais pas ce qu'il deviendra.
XXI
Bien que la parole du fonctionnaire de la prefecture de police eut
produit une profonde impression sur M. Haupois-Daguillon, elle ne
l'avait cependant pas convaincu que Leon put jamais en venir a prendre
Cara pour femme.
--Assurement, dit-il a Byasson en sortant, il y a de l'exageration. Le
spectacle continuel du mal conduit a un pessimisme desolant: la
passion, la passion, grand mot, mais le plus souvent petite, tres-petite
chose; enfin nous verrons, nous aviserons; en realite, il n'y a pas
urgence a agir des demain; certes, j'ai grande hate de voir cette
liaison rompue, et j'ai grande hate aussi de voir l'enfant prodigue
revenir a la maison paternelle, mais enfin il ne faut rien compromettre.
Cependant M. Haupois-Daguillon ne put pas prendre le temps de reflechir
et d'aviser lentement, prudemment, sans rien compromettre, comme il
l'avait espere, car une lettre du cure de Noiseau vint a quelques jours
de la lui signifier brutalement qu'il y avait au contraire urgence a
agir pour empecher Cara de poursuivre ses projets de mariage. On a deja
dit que c'etait a Noiseau que M. et madame Haupois-Daguillon avaient
leur maison de campagne, et comme cette terre appartenait a la famille
Daguillon depuis plus de cinquante ans, les heritiers de cette famille
etaient les seigneurs de ce pauvre petit village de la Brie, qui ne
compte guere plus de cent cinquante habitants: maire, cure, conseillers,
instituteur, garde champetre, tout le monde dependait, a un titre
quelcon
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