, Cara se trouva assez bien elle-meme pour prendre la parole:
--Pauvre ami, dit-elle, comme je suis heureuse que tu sois revenu! c'est
ta voix qui ma ressuscitee; je crois bien que j'etais en train de
mourir; je ne soufrais pas, je ne sentais rien, je ne voyais rien; je
serais peut-etre restee longtemps, toujours dans cet etat, si tout a
coup ta voix n'avait retenti dans mon coeur, et alors il m'a semble que
je me reveillais; comme tu as ete bien inspire de revenir!
--Je n'ai pas ete inspire; je suis revenu parce que Louise m'a ecrit que
tu etais malade.
--Comment, Louise?
--Elle m'a ecrit parce qu'elle etait effrayee, et elle m'a dit de venir
tout de suite.
--Je comprends qu'elle ait ete effrayee. Apres ton depart, j'ai pense a
ce que tu venais de me dire, et je me suis imagine, pardonne-moi, que
ton ami Byasson allait si bien te precher et te circonvenir que nous ne
nous verrions plus. Alors, j'ai ete prise d'un aneantissement, mon coeur
a cesse de battre, mes yeux ont cesse de voir, j'ai pousse un cri,
Louise est accourue et je ne sais plus ce qui s'est passe: quand j'ai
recouvre la vue, j'ai rencontre tes yeux.
--C'est pendant cette syncope que Louise effrayee m'a ecrit; mais
comment a-t-elle su que j'etais chez Byasson?
--Je ne sais pas, il faudra le lui demander. Assurement ce n'est pas moi
qui le lui ai dit, car je suis fachee qu'elle t'ait ecrit.
--Comment, tu es fachee que je sois revenu?
--Cela parait absurde, n'est-ce pas, cependant cela ne l'est pas. Oui,
je suis heureuse, la plus heureuse des femmes que tu sois revenu, mais
j'aurais voulu que tu revinsses de ton propre mouvement et non pas
ramene par la lettre de Louise. Si ton ami Byasson t'a emmene chez lui,
ce n'etait point, n'est-ce pas, pour te montrer ses tableaux ou ses
curiosites, c'etait pour tacher de te decider a te separer de moi et a
rentrer chez ton pere. Ne me dis pas non, c'est cette pensee, ce sont
ces discours que j'entendais qui m'ont etouffee et qui ont provoque ma
syncope. Quand j'en suis venue a bien preciser la situation et a me
dire: ecoutera-t-il la voix de son ami ou ecoutera-t-il celle de son
amour? retournera-t-il chez son pere ou reviendra-t-il ici? l'angoisse a
ete si poignante que je me suis evanouie. Mais, malgre tout, malgre
l'etat affreux dans lequel j'etais, j'aurais voulu que Louise ne
t'ecrivit pas. Livre a toi-meme tu aurais seul decide cette situation,
c'est-a-dire notre avenir a tous deux, ma vie a
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