son qui
n'avait pas la meme confiance dans les moyens surnaturels se decidait a
risquer une tentative pour voir s'il ne pourrait pas obtenir aide et
assistance aupres de l'autorite. Ancien juge au tribunal de commerce,
membre de plusieurs commissions permanentes du ministere de
l'agriculture et du commerce, il avait des relations dans le monde
officiel dont il pouvait user et meme abuser, et il n'hesita pas a
recourir a leur influence plus ou moins legitime pour arracher Leon des
mains de Cara. Il lui etait reste dans la memoire des histoires de
femmes appartenant au monde de Cara qui avaient ete expulsees de Paris
ou qu'on avait fait enfermer; pourquoi ne lui accorderait-on pas une
mesure de ce genre? Si on la lui refusait, peut-etre lui procurerait-on,
peut-etre lui suggererait-on un autre moyen d'arriver a ses fins: ce
n'etait pas dans des circonstances aussi graves qu'on pouvait se
permettre de rien negliger; le possible, l'impossible devaient etre
tentes.
Il connaissait a la prefecture de police un haut fonctionnaire sous la
direction duquel se trouvaient les arrestations et les expulsions, ainsi
que le service des moeurs. Il l'alla trouver, accompagne de M.
Haupois-Daguillon, et il lui exposa son cas: le fils de son meilleur
ami, Leon Haupois-Daguillon, etait l'amant d'une femme connue sous le
nom de Cara dans le monde de la galanterie, et cette femme menacait de
se faire epouser si on ne lui payait pas la somme d'un million; dans ces
conditions, que faire? Le jeune homme etait si aveugle, si fascine qu'il
se pouvait tres-bien qu'il se laissat entrainer a ce honteux mariage.
M. Haupois ne put pas laisser passer cette parole sans dire que pour lui
il ne croyait pas ce mariage possible; mais, bien que, jusqu'a un
certain point, rassure de ce cote, il n'en desirait pas moins voir finir
une liaison deshonorante qui faisait son desespoir et celui de toute sa
famille.
--Et qui vous fait esperer que ce mariage n'est pas possible? demanda le
fonctionnaire de la prefecture.
--Les idees d'honneur et de respect dans lesquelles mon fils a ete
eleve.
--Vous etes heureux, monsieur, d'avoir vecu dans un monde ou l'on croit
a la toute-puissance de l'honneur et du respect, et d'etre arrive a
votre age sans avoir recu de l'experience de cruelles lecons. Pour nous,
nos fonctions ne nous laissent pas ces illusions consolantes; nous
voyons chaque jour a quels abimes les passions peuvent entrainer les
hommes, meme ceux qui
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