naissance de ma part ne pouvait que lui
donner du depit, ce qui me fit abreger, autant que je pus, la visite.
J'embrassai ses enfants et je pris le bras de Boucoiran qui m'accompagna."
En s'eloignant, Pagello ne lanca pas la fleche du Parthe, bien qu'il fut
en etat de legitime defense. Le jour meme ou il quittait Paris, il ecrivit
a Alfred Tattet: "Mon bon ami, avant de partir, je vous envoie encore un
baiser. Je vous conjure de ne jamais parler de mon amour avec la George.
Je ne veux pas de _vendette_. Je pars avec la certitude d'avoir agi en
honnete homme. Ceci me fait oublier ma souffrance et ma pauvrete. Adieu,
mon ange. Je vous ecrirai de Venise. Adieu, adieu."
Avait-il, l'infortune Pagello, ete dument informe de la reconciliation
amoureuse survenue entre Alfred de Musset et George Sand? Il est probable.
Le jour meme de son retour a Paris, 13 octobre, le poete envoyait, non pas
a Nohant, comme le croit M. Maurice Clouard, mais au quai Malaquais, ou se
trouvait George Sand, une lettre qui debute ainsi: "Mon amour, me voila
ici... Tu veux bien que nous nous voyions. Et moi, si je le veux! Mais ne
crains pas de moi, mon enfant, la moindre parole, la moindre chose, qui
puisse te faire souffrir un instant... Fie-toi a moi, George, Dieu sait
que je ne te ferai jamais de mal. Recois-moi, pleurons ou rions ensemble,
parlons du passe ou de l'avenir, de la mort ou de la vie, de l'esperance
ou de la douleur, je ne suis plus rien que ce que tu me feras." Et il lui
rappelle, et il s'approprie les touchantes paroles de Ruth a Noemi:
"Laissez-moi vivre de votre vie; le pays ou vous irez sera ma patrie, vos
parents seront mes parents; la ou vous mourrez, je mourrai, et dans la
terre qui vous recevra, la je serai enseveli." Ce mystique appel aboutit a
la conclusion plus pratique d'un rendez-vous: "Dis-moi ton heure. Sera-ce
ce soir? Demain? Quand tu voudras, quand tu auras une heure, un instant a
perdre. Reponds-moi une ligne. Si c'est ce soir, tant mieux. Si c'est dans
un mois, j'y serai. Ce sera quand tu n'auras rien a faire. Moi, je n'ai a
faire que de t'aimer. Ton frere, Alfred."
Ils se reconcilierent amoureusement, dans le courant d'octobre, sans qu'on
puisse preciser la date, car leurs lettres d'alors ne contiennent aucune
indication; mais ce fut, selon toute apparence, avant le depart de
Pagello. Il emportait cette blessure au coeur et, ne devant plus revoir
George Sand, il ne lui ecrira desormais, du fond de sa Venetie,
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