gence ne
residait dans la narine, la bonte surhumaine dans le regard, et la sagesse
indulgente dans les levres; cette tete, qui est a la fois celle d'un heros
et celle d'un saint, m'apparait dans mes reves a cote de la face austere
et terrible du grand Lamennais." Moins idealise, plus veridique est le
portrait d'Everard que nous offre l'_Histoire de ma Vie_. George Sand
affirme avoir tout d'abord observe en lui la forme extraordinaire de la
tete. Peut-etre la phrenologie y trouvait-elle son compte, mais non pas
l'esthetique. "Il semblait avoir deux cranes soudes l'un a l'autre, les
signes des hautes facultes de l'ame etant aussi proeminents a la proue de
ce puissant navire que ceux des genereux instincts l'etaient a la poupe.
Intelligence, veneration, enthousiasme, subtilite et vastitude d'esprit
etaient equilibres par l'amour familial, l'amitie, la tendre domesticite,
le courage physique. Everard etait une organisation admirable. Mais
Everard etait malade, Everard ne devait pas, ne pouvait pas vivre. La
poitrine, l'estomac, le foie etaient envahis. Malgre une vie sobre et
austere, il etait use." Et George Sand ajoute: "Ce fut precisement cette
absence de vie physique qui me toucha profondement." Deja chez Alfred de
Musset, elle s'etait interessee a un organisme frele; mais chez Pagello
elle avait ete seduite par la bonne sante, l'agreable prestance et la
vigueur musculaire. En Michel (de Bourges) elle distingua, s'il faut l'en
croire, "une belle ame aux prises avec les causes d'une inevitable
destruction." Cette belle ame avait une enveloppe caduque. "Le premier
aspect d'Everard, lisons-nous dans l'_Histoire de ma Vie_, etait celui
d'un vieillard petit, grele, chauve et voute. Le temps n'etait pas venu ou
il voulut se rajeunir, porter une perruque, s'habiller a la mode et aller
dans le monde... Il paraissait donc, au premier coup d'oeil, avoir
soixante ans, et il avait soixante ans en effet; mais, en meme temps, il
n'en avait que quarante quand on regardait mieux sa belle figure pale, ses
dents magnifiques et ses yeux myopes d'une douceur et d'une candeur
admirables a travers ses vilaines lunettes. Il offrait donc cette
particularite de paraitre et d'etre reellement jeune et vieux tout
ensemble." Le contraste signale se retrouvait dans l'allure de son
intelligence. George Sand nous le represente mourant a toute heure et
cependant debordant de vie, "parfois, dit-elle, avec une intensite
d'expansion fatigante meme pour l'e
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