re qui a donne
au monde le scandale de la vie la plus licencieuse et des preceptes les
plus immoraux?... Vos ouvrages, madame, sont remplis de l'amertume et des
regrets qui devorent votre coeur; ils annoncent un degout profond. Les
tourments de l'ame vous poursuivent au milieu de votre gloire et
empoisonnent vos triomphes. Vous avez demande le bonheur a tout, vous ne
l'avez trouve nulle part. Eh bien! je veux vous en indiquer la route;
revenez a votre epoux, rentrez sous ce toit ou vos premieres annees
s'ecoulerent douces et paisibles; redevenez epouse et mere, rentrez dans
le sentier du devoir et de la vertu; soumettez-vous aux lois de la nature.
Hors de la, tout n'est qu'erreur et deception, et la seulement vous
trouverez le bonheur et la paix."
A cette mercuriale bourgeoise Me Michel (de Bourges) repondit, en
invoquant les immunites du genie. Son exorde est pompeux, a la maniere
antique: "Pourquoi cette foule empressee qui nous environne? Pourquoi
cette reunion inaccoutumee qui se presse dans cette enceinte? Pourquoi ces
femmes parees comme pour un jour de fete? Etes-vous appeles a deliberer
sur une mesure d'ou depend le bonheur de l'Etat? Allez-vous donner votre
sanction a l'un de ces edits de clemence qui font la gloire d'un regne?
Non. Qu'est-ce donc, messieurs? Une femme veut reconquerir sa liberte
outragee, son independance foulee aux pieds. Elle vient ici demander un
asile pour sa vieillesse, et pour consolation aux calomnies dont on l'a
abreuvee, ses enfants, le fruit de ses entrailles! Cette femme est la
gloire de notre epoque; c'est le genie qui vient s'abattre de la hauteur
de son vol dans le sanctuaire de la justice et courber son imposante
majeste devant l'autorite sacree des lois!" Prenant alors l'offensive,
Michel (de Bourges) reproche a M. Dudevant d'avoir rompu un traite de
separation librement signe, d'avoir profane le domicile conjugal en y
introduisant la debauche et la prostitution. "Il faut un arret pour le
purifier." Et brandissant la lettre de vingt pages dont Me Thiot-Varennes
n'avait donne que des extraits, il la lit tout entiere,--"cette lettre que
M. Dudevant conservait comme l'arche sainte renfermant les moyens qui
devaient nous broyer"--il y decouvre, il y souligne les preuves de
l'innocence de sa cliente. Aux pieds des Pyrenees, dans la vallee de
Lourdes, devant une nature grandiose, elle a consomme le sacrifice d'une
inclination chaste.
L'effet de cette lecture fut saisissant, et le
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