je sois bien sure que je ne peux pas vous facher et vous degouter de moi.
Oh! alors, je vous porterai sur mon dos. Je vous ferai la cuisine. Je
laverai vos assiettes. Tout ce que vous me direz me semblera divin. Si
vous marchez dans quelque chose de sale, je trouverai que cela sent bon."
Au porc-epic, comment va repondre celle que George Sand definissait "la
blonde peri a la robe d'azur?" Elle se compare a une tortue qu'elle a
recue pour ses etrennes, ironique symbole de la _rapidite_ et de la
_mobilite_ de ses idees. "Eh bien, ajoute-t-elle, ne vous laissez pas
rebuter par les ecailles de la tortue, qui ne s'effraie nullement des
piquants du porc-epic. Sous ces ecailles, il y a encore de la vie." Est-ce
une fable, imitee de La Fontaine, "la Tortue et le Porc-epic," qui va nous
deduire quelque moralite? Elle commence a merveille. George couvre Marie
de louanges, s'extasie devant son _incommensurable superiorite_, lui
conseille, la supplie d'ecrire et de manifester son talent. "Faites-en
profiter le monde: vous le devez." La fumee de cet encens etait suave a
l'orgueilleuse sensualite de la comtesse d'Agoult. En cette lune de miel
de l'amitie, George Sand deverse les effluves de sa tendresse. On se donne
de petits noms caressants. _Piffoel_, de Nohant, adore les _Fellows_, de
Geneve. Elle aspire a les rejoindre. Ce projet, entrave par l'instance
contre M. Dudevant, se realise, non pas en septembre 1835, comme l'indique
par erreur M. Rocheblave, mais seulement en septembre 1836. Ce sont douze
mois d'attente impatiente. George Sand maudit les lenteurs de Themis. Le 5
mai 1836, en pleine bataille judiciaire, elle ecrit a Franz Liszt: "Je
serais depuis longtemps pres de vous, sans tous ces deboires. C'est mon
reve, c'est l'Eldorado que je me fais, quand je puis avoir, entre le
proces et le travail, un quart d'heure de revasserie. Pourrai-je entrer
dans ce beau chateau en Espagne? Serai-je quelque jour assise aux pieds de
la belle et bonne Marie, sous le piano de Votre Excellence?" Et deux mois
plus tard, le 10 juillet, elle emploie presque les memes termes, dans une
lettre a madame d'Agoult: "Je reve mon oasis pres de vous et de Franz.
Apres tant de sables traverses, apres avoir affronte tant d'orages, j'ai
besoin de la source pure et de l'ombrage des deux beaux palmiers du
desert." Au prealable, ce sont des echanges d'impressions litteraires.
Lamartine subit de rudes assauts. "Il m'est impossible, ecrit Liszt,
d'accepter comm
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