ecret que tous deux ont emporte dans la tombe. Au terme de
l'_Histoire de ma Vie_, George Sand se contente de quelques eloquentes
apostrophes a ceux qu'elle a aimes et qui ont cesse d'etre. Chopin, qui
avait eu le plus long bail, doit en prendre sa part: "Saintes promesses
des cieux, s'ecrie-t-elle, ou l'on se retrouve et ou l'on se reconnait,
vous n'etes pas un vain reve!... O heures de supreme joie et d'ineffables
emotions, quand la mere retrouvera son enfant, et les amis les dignes
objets de leur amour!" Puis, faisant un retour sur soi-meme, voici qu'elle
prononce cette lugubre parole: "Mon coeur est un cimetiere." Sans doute
elle y voit defiler les corteges et s'accumuler les tombes des affections
defuntes. Des 1833, Jules Sandeau, evince et jetant la fleche du Parthe,
la comparait a une necropole. Plus habile, il avait evite d'etre livre au
fossoyeur.
CHAPITRE XXII
_CONSUELO_ ET LES ROMANS SOCIALISTES
A son retour de Majorque, dans une lettre adressee a madame Marliani le 3
juin 1839, George Sand se jugeait elle-meme en ces termes: "Je l'avoue a
ma honte, je n'ai guere ete jusqu'ici qu'un artiste, et je suis encore a
bien des egards et malgre moi un grand enfant." Au cours des annees
suivantes, sous les influences contraires de Chopin et de Pierre Leroux,
la lutte va s'engager entre les preoccupations de l'art et les
sollicitations de la politique. De la, dans les romans de George Sand, un
double filon qu'il nous faut suivre: d'un cote, _Consuelo_ et la _Comtesse
de Rudolstadt_, de l'autre, _Horace_, le _Compagnon du Tour de France_, le
_Meunier d'Angibault_ et le _Peche de Monsieur Antoine_. C'est le
parallelisme des conceptions esthetiques et des reves humanitaires.
_Consuelo_ fut compose sous l'inspiration immediate et dans le commerce
quotidien de Chopin. L'oeuvre vaut, non seulement par l'interet de la
fable, mais encore et surtout par la delicatesse et l'agrement de
l'execution. Tres touchante est l'aventure de cette cantatrice, fille
d'une bohemienne. George Sand en a succinctement resume les peripeties, a
la page 176 du troisieme et dernier volume. Ce sont: les fiancailles de
Consuelo au chevet de sa mere avec Anzoleto, l'infidelite de celui-ci, la
haine de la Corilla, les outrageants desseins de Zustiniani, les conseils
du Porpora, le depart de Venise, l'attachement qu'Albert avait pris pour
elle, les offres de la famille de Rudolstadt, ses propres hesitations et
ses scrupules, sa fuite du c
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